Plus de 3 500 références dans le livret médicamenteux du CHU de Lille et autant de profils patients que de patients pour ainsi dire… Le risque de iatrogénie se cache derrière une infinité de combinaisons. L’œil expert du pharmacien clinicien décèle les situations à risque parmi les 52 000 prescriptions analysées chaque année dans l’établissement. Et l’outil PharmaClass l’accompagne au quotidien dans cette mission.
RASSEMBLER TOUS LES FLUX D’INFORMATIONS EN UN SEUL OUTIL
Depuis 2015, le CHU de Lille a développé la pharmacie clinique dans ses services. Expertise produits, accompagnement des patients dans leur parcours et leur utilisation des produits de santé,… Ce tournant a engendré une large augmentation des interventions pharmaceutiques, qui sont au nombre aujourd’hui de 12 000 chaque année. « Compte tenu de ce contexte, nous avons cherché à obtenir dans notre pratique une sur-couche de sécurité », se souvient le Pr Bertrand Decaudin, pharmacien professeur des universités et praticien hospitalier. L’analyse d’ordonnances est particulièrement chronophage et avec une valeur ajoutée variable. « L’idée était donc d’en faire un acte moins long et plus efficient, souligne Chloé Rousselière, pharmacienne hospitalière et clinicienne. Et de pousser la logique en adoptant des pratiques améliorant le suivi de notre activité, l’élaboration des règles et leur optimisation. » C’est ainsi que l’outil PharmaClass, développé par Keenturtle a été adopté par l’établissement. « Le premier avantage de cette solution, c’est qu’elle est reliée à toutes les données utiles du système d’information de l’hôpital, explique Laurine Robert, pharmacienne assistante dans le processus de pharmacie clinique. Flux de biologie, prescriptions médicamenteuses, codes diagnostics, informations patients… Elle collecte en temps réel l’ensemble des informations clés sur le patient pour identifier le risque iatrogénique. » Au fil de l’eau, les risques sont recalculés, en fonction de l’évolution des données patient : nouveau médicament prescrit, changement d’une constante du patient, résultats de biologie…. Il faut parfois plusieurs heures avant que l’ordonnance du patient ne soit réexaminée par un pharmacien au regard de ces nouvelles informations. PharmaClass le fait en temps réel. « Nous diminuons ainsi considérablement le temps d’exposition au risque d’erreur », apprécie le Pr Jean-Baptiste Beuscart, professeur en gériatrie au CHU de Lille. Et avec ce flux d’informations croisées, les alertes sont bien plus pertinentes. 430 alertes sont ainsi déclenchées chaque mois (sur 1350 lits). Après analyse par le pharmacien, 30% d’entre elles aboutissent à une intervention auprès des médecins. « Le taux d’acceptation par les médecins est en augmentation, se félicite le Pr Decaudin. Car le logiciel n’intervient pas seul. Nous avons mis en place une organisation spécifique et adaptée pour gagner en efficience. Ce qui compte, ce n’est pas d’avoir un grand nombre de règles, mais d’avoir des règles utiles ! »
DES RÈGLES DE PLUS EN PLUS FINES
Et justement, l’élaboration des règles pharmaceutiques est un aspect clé de l’outil. Au fur et à mesure, les équipes de pharmacie peuvent en effet construire le panel de règles qui déclencheront des alertes. Au CHU de Lille, cette étape a donné lieu à une organisation particulière et obéit à une double validation. En premier lieu, il s’agit de faire remonter les besoins du terrain. Les professionnels de santé identifient des situations problématiques et les priorisent pour savoir quelles règles doivent être élaborées. C’est ensuite Laurine Robert qui est chargée de les traduire en langage informatique. L’équipe de pharmacie clinique détermine alors la conduite à tenir et valide le concept. La règle peut alors être soumise au comité de pilotage constitué de pharmaciens, de médecins, de biologistes et de pharmacologues médicaux du Centre Régional de Pharmacovigilance. Si elle obtient la seconde validation, elle l’intègre dans le logiciel. Les règles sont inscrites selon leur degré de criticité, de 0 à 10. Là aussi, cette organisation a donné lieu à certains aménagements au CHU de Lille. Le plus notoire est la mise en place d’une permanence pour les risques supérieurs à 7. Tous les jours, un pharmacien de permanence est nommé. Il doit relever toutes les alertes à haut risque, sur l’ensemble de l’hôpital (et non sur les seuls services dont il a la charge) et avertir au plus vite le pharmacien concerné. « Cela rend notre pratique plus sereine, affirme Chloé Rousselière. Et le service rendu au patient n’en est que meilleur. » Pour élaborer les règles, les utilisateurs de PharmaClass bénéficient d’un programme d’accompagnement de la part de Keenturtle. « Notre Smart Program, dirigé par la direction médicale de Keenturtle, aide nos clients pour créer ou hériter d’une règle, explique David Vandecapelle, CMO de Keenturtle. Notre système d’aide à la décision est le seul à rendre possible l’ajustement des règles selon les spécificités de l’établissement. Seule une règle personnalisée et contextualisée permet d’émettre des alertes vraiment pertinentes. Nos équipes d’experts sont là pour permettre de définir les priorités et besoins de nos utilisateurs et de transposer les règles du langage naturel au langage informatique. » Car il faut savoir que les données qui alimentent PharmaClass sont toutes transcodées aux standards internationaux. C’est ce qui permet de partager les règles entre les utilisateurs et garantit leur portabilité d’un établissement à l’autre. « Nous créons ainsi un univers partagé dans lequel nous mutualisons les règles. Plus nous avons d’utilisateurs, plus la bibliothèque de règles s’enrichit. »
UNE ADHÉSION FORTE
Avec 43 établissements utilisateurs en France, Suisse et Belgique, l’outil a suscité une forte adhésion. « PharmaClass nous a permis d’harmoniser et d’optimiser nos interventions, résume Laurine Robert. Nous intervenons plus vite dans les situations à haute criticité. Cet outil fait réellement partie de la routine des pharmaciens cliniciens aujourd’hui. » Autre aspect souligné par le Pr Beuscart, le renforcement des liens interprofessionnels. La confiance et les échanges sont ainsi accentués entre pharmaciens et médecins. Chloé Rousselière confirme en parlant d’un « pharmacien plus pertinent qui dispose de toutes les informations nécessaires dans ses interactions avec le médecin. Également, il y a nécessité d’un marquage CE pour ce type de logiciel ce qui impose des études cliniques de sensibilité et de spécificité notamment afin de démontrer scientifiquement l’intérêt de l’outil. PharmaClass est marqué CE au niveau défini selon la directive historique, et conduit les travaux pour le niveau défini dans le nouveau règlement. Choisi comme pilote pour le domaine de la pharmacie en Europe, PharmaClass sera la première solution dans le domaine Pharmacie Clinique « Précise François versini president de Keenturtle » à ajouter la strate « Garantie Humaine » à la strate « Marquage CE ». La « Garantie Humaine » est destinée à être la référence de conformité éthique de l’intelligence artificielle, complément nécessaire à la conformité socle qu’est le marquage CE pour les solutions logicielles en santé.
La rédaction
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