Des patients contraints d’attendre des heures, des brancards installés dans les couloirs, des soignants débordés… Les salles d’attente des Urgences sont souvent surpeuplées. La réorientation des patients est indispensable. Et si une partie de la solution pour les désencombrer se trouvait dans un algorithme ? C’est le pari de Logibec, une entreprise québécoise. Détails.
Des urgences à bout de souffle
Une cheville tordue, une infection urinaire sans fièvre, une rougeur cutanée… C’est un fait, tous les patients se pressant aux urgences n’y ont pas forcément leur place. Vieillissement de la population, envie/exigence d’être soigné sans attendre… La fréquentation des urgences en France ne fait que grimper depuis 20 ans. Sur le front, les soignants y ont comptabilisé 21,8 millions de passages en 2018, selon la DREES. Face à ce problème, le Centre de recherche de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et Logibec ont conçu un outil très performant.
Concrètement, l’infirmière recueille les symptômes du patient. L’algorithme entre alors en jeu pour évaluer la gravité, ou non, de l’état du patient. Si besoin, celui-ci sera réorienté vers un médecin de ville dans un délai maximal de 48 heures. Surdoué, l’algorithme se met à jour en permanence. « Par exemple, au début de la Covid, on ne savait pas que la diarrhée était un symptôme », explique Francis Cuerrier, directeur produits chez Logibec. « Dès qu’on l’a su, on a entré cette donnée dans l’algorithme pour qu’il se dise « Ah, c’est peut-être un risque de Covid, on devrait réorienter le patient concerné vers un endroit apte à traiter les cas de Covid. »
Optimiser la réorientation des patients
Déployé dans 11 hôpitaux et plus de 60 cabinets de santé au Québec, où il a fait ses preuves, Logibec Réorientation a été adopté, dès juillet 2020, par le CHRU de Nancy et le CH d’Angoulême. « Nous pensons que cette solution répond aux attentes des utilisateurs », se réjouit Alexandre Messier, médecin urgentiste à l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, inventeur principal de la solution Logibec Réorientation. « Aucun hôpital ne s’est retiré du projet depuis qu’il l’a adopté, seul un cabinet sur 60 est parti après deux jours d’essai », ajoute-t-il. « Après 555 patients, un sondage a été réalisé auprès des infirmiers pour connaître leur niveau de confort face à l’application. 99% ont répondu « confortable » ou « très confortable. » Actuellement nous sommes en discussions avec une dizaine de régions en France. »
Car cet outil qui permet de diriger les patients au bon endroit, au bon moment, fait (presque) l’unanimité. « Les patients que nous recevons sont satisfaits d’avoir pu trouver un accès aux soins rapide et pertinent », insiste Gilles Raymond. Ce médecin généraliste à l’Isle-d’Espagnac, qui participe à l’expérimentation, réserve « deux à trois créneaux par jour » pour les patients réorientés. « On a de suite vu l’intérêt de cet outil », ajoute Gilles Moalic, médecin urgentiste à l’hôpital d’Angoulème. « Pour un problème de médecine générale, rien ne vaut l’expertise d’un médecin généraliste ! »
Testé et approuvé
« Si on désengorge les urgences, par exemple, une personne qui fait un infarctus pourrait attendre moins longtemps », se réjouit Francis Cuerrier. Mais l’outil a d’autres bénéfices collatéraux. « À l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal, là où il a été implanté en premier, on a enregistré 35% de départs en moins de patients qui partent parce qu’ils en ont marre d’attendre. » Ainsi, ce sont plusieurs personnes bien évaluées et mieux encadrées en plus. Et donc, bien soignées. Quand les patients n’ont pas besoin du plateau technique des urgences, un rendez-vous avec leur médecin traitant ou un médecin de ville leur est proposé dans les heures qui suivent.
« Logibec réorientation améliore la qualité de la prise en charge, et diminue le stress des patients », poursuit Gilles Moalic. Une solution intuitive et facile à utiliser par les infirmières. Que demander de plus ? Peut-être un projet élargi de régulation médicale avec d’autres acteurs sanitaires (SAMU, C15…), afin d’éviter des visites inutiles aux urgences et d’orienter les patients sur les plateaux techniques les plus adaptés. A suivre…