Le passage au 100% numérique constitue toujours un véritable défi pour les acteurs du soin. Dans le cas de l’anatomopathologie, héritière d’une longue tradition de l’innovation, cette mutation technique et professionnelle est entreprise avec enthousiasme et pensée comme un tournant essentiel pour le futur. Dans le secteur privé, un pionnier se profile déjà à l’horizon : le groupe Cypath.
CYPATH, UN GROUPE INNOVANT
Si « les anatomopathologistes ont toujours pris l’initiative des mutations technologiques, en les maitrisant parfaitement », selon le président de Cypath Philippe Chalabreysse, ces derniers ne pouvaient donc pas rater la révolution numérique que nous vivons.
Cypath, cabinet indépendant et multisite en Anatomie et Cytologie Pathologiques s’est en effet lancé, il y a peu, dans une transition technologique, technique et professionnelle sans- précédent : passer au 100% numérique. Fort de 75 pathologistes avec des spécialistes en dermatologie – domaine dans lequel Cypath détient un label – et des experts dans les sarcomes et lymphomes, le groupe français porte ce projet stratégique pour répondre à plusieurs objectifs.
Il souhaite tout d’abord atteindre le 100% numérique d’ici 2024- 2025. Cette transformation s’avère essentielle pour organiser un réseau d’experts de télémédecine, devenir un terrain d’expérience des outils numérique en lien avec l’anatomopathologie, et in fine développer la recherche et l’intelligence artificielle.
Pour Marie Brevet, médecin pathologiste chez CYPATH & CYPATH-RB, le passage au 100% numérique représente un triple enjeu : « premièrement, nous souhaitons construire un réseau de télédiagnostic au sein même de Cypath ; ensuite, nous voulons entamer une ouverture vers l’extérieur à travers des formations, des conférences ; enfin, numériser totalement nos pratiques est un préalable essentiel à l’accueil et à l’usage en routine de solutions d’IA, que nous tentons de développer au sein de notre laboratoire Cypath RB en lien avec des start-up ».
LE PASSAGE AU 100% NUMÉRIQUE
Pour atteindre ces différents objectifs, le groupe Cypath s’est donc lancé dans une transformation à la fois technique et humaine. Le projet de numérisation a débuté au second semestre 2021, avec une première étape clé : le changement d’infrastructure informatique et l’achat du stockage.
« Pour l’infrastructure, notre choix s’est naturellement porté sur l’éditeur Tribvn, en raison de la taille et du positionnement des serveurs. D’autres solutions existaient, mais elles nous emmenaient vers des systèmes relativement complexes. », explique Laurent Huguenin, responsable des systèmes d’information. Il revient ensuite sur les spécificités de ce processus : « Cypath étant un groupe multisites, nous avons dû anticiper le déploiement, tout en veillant particulièrement à la mise en place des serveurs et du stockage, une lame pesant en moyenne 1,5 GB. Rien qu’à Lyon, nous produisons 10.000 lames par mois. La quantité de données étant importante, nous avons donc largement investi dans des baies de stockage ».
Au 1er semestre 2022, une seconde phase s’est ensuite enclenchée, avec le paramétrage du logiciel de lecture Calopix de l’éditeur tribun. Selon Laurent Huguenin : « la plateforme est prête, actuellement en phase de test et de réglage des menus, de la recherche de dossiers. Ces différents éléments, infrastructure et logiciel, sont les deux piliers de la structure qui nous permettra de passer au 100% numérique ».
Pour cette rentrée 2022, le travail s’est focalisé sur la connexion entre l’enregistrement des lames en laboratoire et leur visualisation dans le système de gestion d’image. Une étape en plus vers cette mutation technique, impliquant aussi une transformation des pratiques.
« Nous lisons aujourd’hui les scans de lames sur le logiciel, mais cette lecture demeure ponctuelle. La mise en route est progressive. Pour le moment, nous nous y habituons, tout en maintenant l’usage du microscope. Le praticien peut ainsi relire sa lame de verre à côté de sa lame numérique, pour être sûr de ne commettre aucun impair. Puis, progressivement, nous ne lirons plus qu’en numérique, ce qui implique de repenser dès maintenant notre workflow », explique Marie Brevet.
UN NOUVEAU WORKFLOW AUX NOMBREUX BÉNÉFICES
Tout changement de paradigme entraîne également une transformation des pratiques. « Même sans IA, notre workflow se trouve totalement modifié », confie Marie Brevet.
En effet, le passage au numérique doit « être total pour fonctionner au mieux », pour Philippe Chalabreysse. Toujours selon le Président de Cypath, « cette mutation vers un environnement entièrement numérique, parce qu’elle implique de nouvelles manières de travailler, occasionnera une baisse temporaire de productivité, le temps que les équipes s’adaptent. Puis, une fois que les outils fonctionneront en routine et que les praticiens seront habitués, les bénéfices seront multiples ».
Il s’agit d’abord d’un sérieux gain en productivité : « A l’époque, et il n’y a encore pas si longtemps, nous mettions plusieurs jours, au mieux, pour obtenir des résultats d’examen. Après la numérisation, nous avons réduit cette durée à 48h. Dans un contexte d’augmentation constante des lames pour un nombre égal d’anatomopathologistes, cette amélioration est cruciale », précise Philippe Chalabreysse.
Au-delà du gain en productivité, le numérique permettra une véritable collégialité au sein de Cypath, fort d’un groupe d’expertise et d’un label dédié à la dermatologie. Comme l’explique Caroline Lacoste, médecin pathologiste chez Cypath, « en 100% numérique, la création de réseau d’expertise se concrétise et prend désormais tout son sens. Il est plus facile d’obtenir un second avis. A titre d’exemple, notre réseau Dermapath, où des pathologistes exercent au moins 50% de leur activité en dermatologie, peuvent échanger et interpréter des lames en quelques clics, contre un envoi en courrier via un protocole extrêmement lourd auparavant ».
Mais les avantages ne s’arrêtent pas à la télé-expertise. Le groupe Cypath a la volonté de transmettre des connaissances et des pratiques. « Au sein du réseau Dermapath, le numérique nous aide à mettre en place des programmes de formation, des conférences, à partir d’une base de données conséquente, pour nous permettre d’exemplariser les cas ».
Parmi les bénéfices, l’on peut également citer la grande flexibilité en termes de lecture des lames et d’organisation du travail. « Demain, grâce à l’image, les lames seront visibles depuis tous les sites du groupe. Imaginons qu’un praticien soit absent, un autre pourra alors consulter les lames sans problème. C’est une nouvelle organisation, qui apporte aussi une plus grande flexibilité à nos praticiens, en introduisant la question du télétravail ».
Enfin, le passage au 100% numérique est une étape clé pour accueillir toutes les évolutions que permettront les solutions d’IA au cours des années à venir :
« Notre activité autour de l’IA est structurée autour de trois grands axes : d’abord, nous cédons des lames numérisées – anonymisées – à des startup partenaires pour alimenter leurs algorithmes en données. Ensuite, nous co-développons avec certaines des projets et des outils. Enfin, nous travaillons à ce que ces outils puissent entrer dans notre workflow, afin que leur usage ne se limite pas à la recherche, mais soit bel et bien au bénéfice du patient. L’idée est, au bout du compte, d’obtenir trois types de solutions : des outils d’aide au diagnostic, pour soutenir l’anatomopathologie sur la quantification, la mesure, le screening d’un foyer de cancer par exemple des outils de prédictionmoléculaire ; des outils de prédiction clinique, capables de prédire le risque de rechute », explique Marie Brevet.
Ainsi, le groupe Cypath, par le passage au 100% numérique, mène de front un projet porteur d’innovations, dont les bénéfices seront à la fois techniques, technologiques et humains. « Notre volonté est d’améliorer la qualité des diagnostics et leur fiabilité, grâce au numérique. Non seulement entre nous, mais aussi en dehors de Cypath, via la télé-expertise, tout en nous préparant stratégiquement à accueillir la révolution de l’intelligence artificielle », conclut le président de Cypath, Philippe Chalabreysse.
Steve Serafino