L’encadrement de proximité est sollicité pour assurer l’animation des équipes dans ces nouvelles organisations du travail. Ainsi, de nouvelles exigences managériales ont déplacés les modes de gestion des ressources humaines centrés sur la dictature du « client », « usager », « consommateur de soins ».
Les Cadres ont dû s’adapter à ces nouvelles formes de management d’équipe, avec le renforcement du contrôle de l’exécution des tâches, passant d’une hiérarchie omniprésente avec l’autoritarisme des « petits chefs » à la situation d’aujourd’hui, marquée par une pression accrue de la surveillance des activités (respect des délais, du service rendu au client…). Ce déplacement progressif de l’activité de l’industrie vers les activités de services a contribué finalement au renforcement de la pression du client.
Le Cadre se trouve donc happé par ces réalités d’entreprises avec ses restructurations, ses stratégies managériales centrées sur le résultat, l’efficience et l’adaptation aux changements permanents.
Cette situation se rencontre également dans l’organisation hospitalière, publique soit-elle, même si elle n’est pas encore vraiment engagée dans une logique de « performance » et une culture du « résultat ». Les Cadres hospitaliers sont également soumis à des changements organisationnels comparables à ceux exerçants en entreprises.
L’évolution de la structure hospitalière, longtemps caractérisée par la domination médicale inscrite dans ses fiefs (ou mandarinats), se caractérise aujourd’hui par une transversalité de ses activités mobilisant le pouvoir de tous les acteurs du système. Le modèle hospitalier se rapproche au modèle proche de l’industrie, doté d’un système complexe tant par la taille de ses établissements, que par la variabilité de ses statuts avec des critères d’activités et d’environnements multiples.
La culture hospitalière, auparavant calquée sur des valeurs traditionnelles, s’identifie par la multiplicité de « cultures » distinctes entre les discours médicaux, directoriaux, soignants, médicotechniques, logistiques, économiques, techniques et administratifs. Plus de 200 professions différentes révèlent l’ampleur de cette opacité institutionnelle dans laquelle subsiste une coexistence conflictuelle de cultures et de logiques professionnelles différentes, comme le souligne Philippe JEAN1.
Comme dans l’entreprise, l’hôpital est marqué par l’évolution rapide de ses technologies médicales, s’éloignant ainsi de l’image de l’hospice des années 1950, synonyme de relégation et de pauvreté, pour laisser place à des Centres Universitaires, symboles des prouesses de la technique matérialisées par les plateaux techniques. Les progrès de la médecine ont également réduit la DMS2, le temps de travail et ont augmenté l’intensification des activités des investigations paracliniques en priorité.
Les effets de ces modernisations ont impactés sur les relations avec le malade : celui-ci devient un « cas » ou un « résultat d’analyse »3. Similairement à l’entreprise, l’évolution de la clientèle hospitalière, auparavant représentée par les classes modestes et les indigents assistés, s’adresse aujourd’hui, à toutes les classes de la société, auprès desquelles coexistent une médecine de prestige à haute technicité et des filières de quasi-abandon médical. 4L’hôpital devient l’objet d’un certain consumérisme devenant concomitant avec l’augmentation des droits du patient, comme celui du client dans l’entreprise : il s’instaure, alors, un climat de défiance réciproque entre les soignants et les patients, dans une logique très individualiste.
Le Cadre soignant devient le garant de la qualité des prestations de soins auprès des « usagers consommateurs de soins médicaux ». Cependant, l’hôpital adopte de plus en plus de nouveaux droits du patient dont l’évolution de leurs attentes ainsi que de leurs familles introduit la notion d’empowerment5.
1 JEAN Philippe « Le malaise des cadres soignants »
2 DMS : Durée Moyenne de Séjour
3 SCHWEYER FX. « L’hôpital sous tension »
4 DE BORT C. « Le malaise des cadres hospitaliers », 2003
5 Empowerment : terme anglais traduit par autonomisation ou capacitation est la prise en charge de l’individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale
Jean-Luc STANISLAS,
Cadre Supérieur de Santé, (93)
Consultant Leadership
Blog MMH « Management en Milieu Hospitalier »
Auteur « Le management stratégique des cadres hospitaliers en mutation », Editions Universitaires Européennes, Mars 2016
E.Mail : jlstanislas@aol.com
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Master « Economie, Gestion et Management de la Santé »
Université Paris-Dauphine