Réussir le virage ambulatoire de la santé et des soins grâce à la télémédecine

0
1583

Thème du 10ème Congrès de la Société Française de Télémédecine.

Pour le 10ème anniversaire de sa création, la Société Française de Télémédecine (SFT) s’engage résolument dans la Stratégie nationale de santé définie le 17 octobre 2017 par Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé : la télémédecine doit être un pilier important du développement des soins ambulatoires.

Le prochain Congrès 2017 se tiendra les 7 et 8 décembre à la Maison Internationale de la Cité Universitaire à Paris. Il traitera de ce thème de la nouvelle stratégie nationale de santé pour les cinq prochaines années.

Le jeudi matin 7 décembre, la parole sera donnée aux représentants de l’Etat, c’est à dire la DGOS, les ARS et les GCS-esanté.

Leur témoignage sera intéressant à entendre pour plusieurs raisons.

Ces structures représentantes de l’Etat ont contribué à la stratégie “top-down” définie par les précédents gouvernements, c’est à dire une stratégie nationale de télémédecine définie par décrets et arrêtés ministériels. Il faut reconnaitre que cette stratégie n’a pas donné tous les résultats escomptés, notamment dans le secteur ambulatoire, comme cela a été rappelé au Congrès de 2016. (voir le billet SFT-Antel 2016 (3) dans la rubrique “On en parle”).

La Ministre veut aujourd’hui une stratégie “bottom-up”, c’est à dire une stratégie qui soutienne les initiatives innovantes qui viendront du terrain et que l’Etat accompagnera afin qu’elles réussissent. C’est un pari que prend la Ministre dans un pays généralement habitué à être hyperadministré. Le bon sens veut que l’innovation vienne des acteurs de terrain et entraine ensuite d’autres acteurs moins dynamiques ou convaincus. En quelque sorte, la reconnaissance au niveau des territoires de santé de “premiers de cordée” dans la mise en place de soins ambulatoires accompagnés par les moyens de la télémédecine.

Qui seront ces premiers de cordée au niveau des territoires de santé ? Les établissements, les URPS, d’autres ? Les ARS devront repérer ces initiatives du terrain et jouer un rôle facilitateur et accompagnateur. De même les GCS e-santé, dont les plateformes sont insuffisamment utilisées, devront être des maitres d’ouvrage dynamiques et attractifs. Certains l’étaient déjà, il faut dorénavant que tous le soient.

L’auteur de ce billet, qui a connu les difficultés rencontrées avec la stratégie “top-down”, est plutôt favorable à celle du “bottom-up” qui peut faire revivre un certain esprit “pionnier” qui existait au début des années 2000 et qui pourrait aujourd’hui réapparaître au niveau des territoires de santé. A cette époque, les pionniers n’étaient pas accompagnés par l’Etat, ou du moins l’étaient insuffisamment. La Ministre a été claire dans ses propos : toute innovation organisationnelle pronée par des acteurs de terrain et qui va dans le sens de l’intérêt général sera accompagnée par l’Etat. Dont acte Mme la Ministre !

La matinée se terminera par une tribune montrant que la stratégie “bottom-up” peut se manifester dans une région française où les professionnels de santé cardiologues ont su se mobiliser pour venir en aide aux patients d’un territoire isolé.

Le jeudi après-midi 7 décembre seront débattus, d’une part le virage ambulatoire de la chirurgie avec la télémédecine, d’autre part des exemples venant des professionnels de terrain illustrant les possibilités d’amélioration de l’accès aux soins ambulatoires grâce à la santé connectée et à la télémédecine.

La SFT avait déjà abordé le sujet de la chirurgie ambulatoire lors de son Congrès 2015 dans une session organisée par l’ANAP (Pr Christian Espagno) (voir le billet SFT-Antel 2015 (2) dans la rubrique “On en parle”). Dans cette session, le Pr Guy Vallancien estimait qu’en urologie, la quasi-totalité des interventions pouvaient désormais se faire en ambulatoire. Le Dr Patrick Blanchet, anesthésiste-réanimateur à la Clinique des Cèdres à Toulouse, rapportait une expérience intéressante de suivi post-opératoire au domicile pendant 48 à 72h avec l’aide d’infirmiers. Il concluait sur la base d’une expérience de près de 2000 patients que cette nouvelle organisation avait permis de supprimer le classique appel du lendemain, très chronophage, de renforcer la satisfaction des patients, de sécuriser davantage le suivi post-opératoire, de libérer du temps chirurgical et anesthésique, de partager ce suivi avec des infirmiers de chirurgie de la clinique formés et d’impliquer aussi les acteurs de santé du secteur ambulatoire. Un beau modèle de parcours de soins “ville-hôpital” structuré par le numérique. En outre, cette nouvelle organisation avait des retombées économiques intéressantes pour la clinique, notamment en lien avec la fermeture d’un étage d’hospitalisation traditionnelle.

Comment ce sujet a t’il évolué depuis deux ans ?  Le Pr Corinne Vons, présidente de l’Association Française de Chirurgie Ambulatoire (AFCA) nous le dira. Si on recherche dans la banque de données médicales Medline, on trouve quelques publications françaises nouvelles depuis celle de l’anesthésiste M. Beaussier dans la Presse Médicale en 2014, notamment après une chirurgie de la hernie inguinale, ou après une chirurgie orthopédique. Les Anesthésistes-réanimateurs ont également développé des téléconsultations préopératoires chez les patients pris en charge en chirurgie ambulatoire. Il existe quelques publications étrangères dans le domaine de la chirurgie orthopédique.

Comme le souhaite la Ministre de la santé, la SFT a rassemblé des projets de type “bottom-up” montrant que les professionnels de santé de terrain sont capables de s’approprier les outils de la santé connectée et de la télémédecine pour mettre en place des applications originales tant dans le domaine des vaccinations ou dans le suivi des cancers en rémission grâce à l’implication des e-patients, que dans l’usage de la télémédecine pour optimiser les soins primaires au domicile avec l’aide des infirmiers. De même il est aujourd’hui possible de développer des actions de télé-réhabilitation au domicile pour des patients handicapés par leurs maladies chroniques. 

La journée se terminera par une conférence du Pr Guy Vallancien, trublion utile et souvent génial de la transformation numérique de notre système de santé, comme en témoigne le “Davos de la santé” (CHAM) qu’il a créé il y a 7 ans.

Le vendredi matin 8 décembre seront abordés, d’une part les spécificités de la formation des professionnels de santé à la télémédecine, d’autre part le service médical attendu ou rendu aux patients par la télémédecine.

Concernant les spécificités de la formation des professionnels des professionnels de santé, c’est un sujet que la SFT tient à coeur depuis qu’a été lancé en 2015 le premier Diplôme Inter-Universitaire de télémédecine avec 7 universités françaises (Bordeaux, Limoges, Montpellier, Nantes, Caen, Lille, Besançon). D’autres universités françaises ont pris ensuite de telles initiatives, dont celle de Paris Bichat qui débute en janvier 2018. Le milieu universitaire bouge enfin (voir sur ce site le billet “Que fait donc la Fac” dans la rubrique Edito de semaine).

Il y a la formation des futurs médecins et il revient à la Conférence des doyens des facultés de médecine d’élaborer un programme. Il existe déjà au sein de cette conférence des doyens convaincus de la nécessité d’une telle formation. Il faut un mouvement universitaire majoritaire. Il y a aussi la formation des médecins qui sont déjà engagés dans l’exercice professionnel. Le développement professionnel continu (DPC) va t’il enfin intégrer dans ses programmes la télémédecine et la santé connectée ? Il serait temps que ce virage soit pris après des positions surprenantes et incompréhensibles vis à vis de la SFT en 2014-2015 (voir le billet intitulé ” TLM et OGDPC” dans la rubrique “Edito de semaine”).

Le service médical rendu aux patients doit être l’obsession de tout professionnel de santé qui s’engage dans les innovations organisationnelles et praticiennes de la santé connectée et de la télémédecine.

L’innovation en santé connectée et en télémédecine ne doit pas rendre service uniquement aux médecins, ce serait un contre-sens. Elle doit d’abord rendre service aux patients. C’est une question éthique. Plusieurs questions seront alors posées aux participants à cette table ronde pour qu’ils nous disent comment ils voient le service médical attendu ou rendu aux patients par les outils de la santé connectée et de la télémédecine .

Le représentant de la HAS devra d’abord nous dire comment cette institution, dont la mission est de qualifier les bonnes pratiques et organisations médicales, voit le service médical attendu par les patients qui consentent à être pris en charge avec les outils de la santé connectée et de la télémédecine. Le représentant du CNOM nous dira si la preuve d’un service médical rendu aux patients par la télémédecine et la santé connectée pourrait devenir une obligation déontologique pour les médecins. Le juriste de la santé, quant à lui, nous dira comment le droit actuel de la santé peut exiger du médecin un service médical rendu aux patients lorsqu’il pratique son art avec les outils de la santé connectée et de la télémédecine. Le médecin de santé publique nous expliquera comment certaines méthodes d’évaluation médico-économique permettent de mieux mesurer le service médical rendu aux patients par la télémédecine. Le président de l’ANDPC nous dira comment on peut évaluer les organisations professionnelles structurées par la télémédecine et la santé connectée. Enfin, le président de la Société Tunisienne de Télémédecine et d’e-santé nous dira comment un pays comme la Tunisie aborde le thème du service médical rendu aux patients par la télémédecine et la santé connectée.

Le vendredi 8 après-midi, dernière demi-journée du Congrès, traitera de deux sujets importants : la relation patient au coeur des organisations de soin structurées par la télémédecine et la télémédecine comme atout gagnant d’un parcours de soins ambulatoires.

La SFT a résolument voulu inclure les sciences sociales et juridiques  dans sa démarche de société médicale savante.

Trois thèmes seront abordés. A nouveau le thème de l’éthique dans la relation patient-professionnel de santé qui avait obtenu un grand succès au congrès 2016. Thème essentiel, tant le bouleversement technologique actuel peut rapidement mettre à mal les principes d’autonomie et de justice. L’application du modèle sociologique de la “traduction” à la relation patient -professionnel dans l’acte de téléconsultation par videotransmission. Cet acte en visioconférence est essentiel et il faut se réjouir que les pouvoirs publics l’aient reconnu dans la LFSS 2018. Il faut que cette relation soit de qualité, ce qui n’est pas forcément réalisé avec tous les outils anciens et nouveaux de la santé connectée. Les plus simples, comme le Smartphone, ne sont pas forcément les meilleurs pour assurer une relation humaine de  qualité. Enfin le représentant de la CNIL nous dira comment cette institution, qui protège depuis 1978 les données de santé à caractère personnel, appréhende les éventuels risques de violation de ces données dans les organisations des soins en télémédecine.

Enfin, toujours dans l’esprit “bottom-up”, de nombreuses expériences actuelles et futures illustreront le parcours de soins ambulatoires.

Seront successivement abordés la place du pharmacien d’officine dans le parcours, une place robuste et utile tant pour les patients que pour les médecins traitants, les bénéfices médico-économiques des pratiques de télémédecine, sujet original qui fera le point sur le modèle économique qui se cherche depuis des années, les acquis de certaines filières de soins, notamment en radiologie et en oncologie, l’usage de la télémédecine dans les situations d’urgence, un sujet à la fois sensible et éthique car tout retard de prise en charge par un examen clinique physique nécessaire à un patient en situation d’urgence vitale peut lui être nuisible et reprochée au médecin, l’accompagnement des adolescents en difficultés comportementales par le moyen de la télémédecine, un premier bilan de la coordination interprofessionnelle dans le projet TSN Pascaline de la région Rhône-Alpes.

Venez donc nombreux au 10ème Congrès de la Société Française de Télémédecine les 7 et 8 décembres à la Maison Internationale à Paris. C’est le rendez-vous annuel incontournable de la télémédecine du présent qui prépare celle du futur. Inscrivez-vous et découvrez la totalité du programme. http://www.sft-congres.com

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici