Quels types de gouvernance pour la télémédecine – Part 2

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Dans des Etats unitaires décentralisés comme la Norvège et le Danemark, la gouvernance de la santé connectée et de la télémédecine a été confiée à des hôpitaux universitaires : le CHU d’Odense au Danemark et le CHU de Tromsö en Norvège. Dans ces deux pays, il n’existe que des programmes localisés de télémédecine et de santé connectée, répondant à des besoins spécifiques d’amélioration de l’accès aux soins : le nord et l’ouest de la Norvège et le sud du Danemark. Le rôle des hôpitaux universitaires dans la gouvernance de la télésanté au Québec est également illustré par les 4 RUIS (Réseau Universitaire Intégrés en Santé) qui ont à leur tête les CHU de Montréal, McGill, Laval et Québec. Le gouvernement du Québec finance ces RUIS pour les soins, notamment ceux délivrés par télésanté. Cependant, tous les RUIS n’ont pas le même développement de la télésanté, le plus important étant celui conduit par le CHU McGill qui a au sein de son RUIS la responsabilité des soins pour les populations Inuits du Grand Nord canadien.
Dans les Etats fédéraux comme l’Allemagne et l’Espagne, ce sont les gouvernements locaux qui gérent le développement de la santé connecté. Il n’y a pas de programme national et le développement de la télémédecine est très inégal d’une région à l’autre. Ainsi en Espagne, la télémédecine est surtout développée en Catalogne, en Galice et en Andalousie. De même en Allemagne, il n’ y a pas de programme national. La télémédecine n’est pas développée dans tous les landers. Seuls trois landers (Badr-Wurtemberg, Bavière, Berlin) ont un programme très structuré en matière de télémédecine, avec un développement essentiellement hospitalier. C’est également le cas des autres provinces canadiennes où le développement de la télémédecine relève directement des gouvernements de ces provinces (ministères de la santé).
Lorsqu’il y a centralisation de l’organisation et de la gestion par l’Etat, comme au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, la gouvernance est confiée à une agence nationale d’Etat. Dans ces pays centralisateurs, comme l’est la France, la télémédecine fait partie d’un programme national avec des résultats assez contrastés : le Royaume-Uni  ayant du mal  à développer son programme “3millionlives”, alors que les Pays-Bas ont un programme de services de télémédecine (comme Portavita) qui est en plein développement.
La France a assez bien réussi son programme prioritaire de télémédecine au cours des cinq dernières années grâce à la mise en place en janvier 2011 d’un  comité de pilotage stratégique, une gouvernance centralisée, et un pilotage opérationnel décentralisé (ARS). Il est donc inexact de laisser entendre que le premier plan stratégique de télémédecine n’aurait pas eu de gouvernance….
La revendication française d’une gouvernance de la santé connectée repose surtout sur le désir légitime du milieu industriel d’obtenir une pérennité du marché des objets connectés de santé et des dispositifs médicaux, et de mettre fin  à ce que certains appellent à tort “un secteur clairement immature en France (Jean-Yves Paillé, La Tribune du 17/06/2016). Le marché de la santé connectée connaîtrait ainsi “des difficultés de développement en raison d’une demande insuffisante de la population française, d’un cadre de confiance pour les professionnels de santé (à conforter) afin que ces derniers prescrivent des objets de la santé connectée”.
Le modèle du marché de la santé connectée aux Etats-Unis est souvent pris en référence par les commentateurs médico-économiques des médias français, notamment dans l’étude Accenture publiée en 2015. Une médecine à l'”américaine” est-elle possible en France ? Nous ne le pensons pas et la plupart des professionnels de santé français ne le souhaitent pas. La France a une tradition de la médecine clinique que les Etats Unis n’ont jamais eu (voir le livre “Télémédecine, Enjeux et pratiques”). Notre pays peut développer la santé connectée et la télémédecine sans avoir à copier le modèle américain. Il est d’ailleurs frappant de constater que beaucoup d’autres pays européens ont une approche similaire, notamment les pays qui ont un système de santé de type bismarkien.

Rédigé par : M Pierre Simon Past-Président de la société française de télémédecine –SFT-ANTEL
Rédigé par : M Pierre Simon Past-Président de la société française de télémédecine –SFT-ANTEL

Praticien Hospitalier en néphrologie pendant près de 35 ans, il s’est intéresse a la Telemedecine des le milieu des années 90 en développant une application de Telemedecine en dialyse, devenue opérationnelle en 2001. Cette application a été évaluee par la HAS en 2008-2009 ( recommandations publiées en janvier 2010). Après avoir co/signe le rapport ministériel sur “La place de la Telemedecine dans l’organisation des soins”, lorsqu’il etait Conseiller General des Etablissements de Sante (2007-2009). il est depuis janvier 2010 président de la SFT-ANTEL Societe savante de Telemedecine, qui regroupe plus de 400 professionnels de santé, médecins et non médecins ( infirmiers, pharmaciens, etc.). et dont l’objet est de promouvoir et soutenir les organisations nouvelles de soins structurées par la Telemedecine, apportant la preuve d’un service médical rendu aux patients. La SFT-ANTEL organise chaque année un Congres européen de Telemedecine et a crée un journal de recherche clinique en Telemedecine ( Européan Research in Telemedicine) publie par Elsevier.

http://www.sf-telemed.org

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