Mme Christine Lecomte directrice de projet et son équipe Télémédecine d’Alsace e-santé : ·Aurélien Michot, chef de projet Télémédecine ·Dr Marie Noblet-Dick, directrice médicale d’Alsace e-santé
Quel modèle économique pour le développement de la télémédecine dans le secteur médico-social ?
Bien qu’encadrés par le décret du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine ( Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 en application de l’ Article L6316-1 du code de la santé publique). les expérimentations, projets et usages de la télémédecine en France sont encore sujets à bien des questionnements ! Après des applications prioritaires dans le secteur sanitaire comme pour la prise en charge de l’Accident Vasculaire Cérébral, la télémédecine se développe de plus en plus dans le domaine médico-social. Télé-consultations, télé-expertises ou télé-surveillances sont autant d’actes à fort potentiel de développement au bénéfice des personnes âgées ou handicapées. Mais comme le souligne le Vade-mecum (http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cn_pdf/septembre2014/master/sources/index.htm) publié en septembre dernier par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), l’enjeu majeur d’équité dans l’accès aux soins et la continuité des soins est à mettre en regard des conséquences éventuelles sur la qualité de la pratique médicale. Cependant, de par la diversité de son offre d’accueil et de soins, le secteur médico-social présente des difficultés particulières de mise en œuvre et des interrogations diverses, notamment sur l’équilibre financier. Dans quels contextes ces usages présentent-ils un intérêt, quels en sont les financements possibles et quelles perspectives de développement sont envisageables ?
En Alsace, une expérimentation à l’échelle régionale a démarré en 2012 par un appel à projet de l’ARS. Alsace e-santé a été chargé de coordonner ce projet avec 6 structures pilotes retenues pour la pertinence des objectifs médicaux et organisationnels présentés, ainsi que l’existence de prérequis techniques. La télémédecine au profit de la personne en perte d’autonomie vise à éviter le déplacement de la personne fragile, à augmenter l’accessibilité aux consultations spécialisées et à diminuer le taux de renoncement aux soins. Tels ont été les objectifs énoncés par le groupe de médecins, soignants et représentants du ministère constitué en Alsace en amont de l’expérimentation. Un dispositif permettant d’effectuer des consultations à distance a été choisi. Celui-ci inclue outre l’indispensable visiophonie pour instaurer le dialogue entre le médecin et son patient, des équipements numériques connectés pour permettre le diagnostic à distance avec un maximum d’informations. Se posait la question de la consignation des informations de la consultation : compte-rendu, prescription et traçabilité des flux. L’option de ne pas redonder les informations du dossier patient a été prise. Les dossiers patients informatisés (DPI) en place sont utilisés : soit celui de la structure d’hébergement du patient, soit celui du médecin. Souvent les médecins intervenant en EHPAD ont pris l’habitude de compléter directement le DPI ou le dossier de soins lorsqu’ils se déplacent dans l’établissement. A distance, le praticien accède à ce même dossier, soit via la connexion privée instaurée entre son PC et celui auprès du patient, soit par internet en accès direct, si la configuration du logiciel de soins le permet. L’avantage est une information instantanément complétée et disponible pour l’équipe de soin du résident. L’inconvénient pour les praticiens est l’adaptation nécessaire pour l’utilisation de plusieurs logiciels. Quant à la transmission des documents, l’interopérabilité avec le DMP ou l’utilisation de messagerie sécurisée apporte des réponses appropriées mais encore trop peu intégrées et proposées par les éditeurs de logiciels.
A ce jour en Alsace, pour augmenter l’accès aux soins et éviter les déplacements de personnes fragiles hébergées en établissements médico-sociaux : 16 sites géographiques déployés, près de 400 télé-actes réalisés, plus de 25 télémédecins impliqués, 120 heures de prise en charge à distance.
Outre la mise en place technique du dispositif permettant d’assurer consultations et expertises médicales à distance, l’accompagnement au changement de pratiques doit couvrir bien des aspects : formation, organisation, support, conventionnement, suivi de l’activité, instauration de protocoles, … Mais un des défis majeurs de ce projet est le financement dérogatoire pour une mixité d’acteurs publics et privés. Comme le stipule le décret, l’organisation de la télémédecine est relayée et soutenue par les agences régionales de santé. En Alsace, l’ARS a défini un programme régional de télémédecine, dans lequel s’est inscrite l’expérimentation en structures médico-sociales. Le projet est financé par une enveloppe dédiée, comprenant un budget pour la rémunération des actes. Cependant, autant il est relativement aisé de relayer des financements vers des établissements publics, autant en ce qui concerne le secteur libéral, la complexité s’accroît car chaque médecin est une entité juridique avec laquelle il faut conventionner, tracer les actes pour les rémunérer. Un accord a cependant été trouvé avec l’Union Régionale des Médecins Libéraux d’Alsace pour établir une rémunération sur la base d’unités d’œuvre équivalentes à une consultation généraliste. Pour les consultations spécialisées un facteur multiplicateur est appliqué. Toutefois, même si cet accord donne satisfaction à une échelle restreinte, ce mode de fonctionnement ne peut être pérennisé à moyen terme. Outre le fait qu’il s’inscrive dans un cadre dérogatoire, le système présente un manque de fluidité et d’équilibre pour le déploiement sur un périmètre plus large. La question du modèle économique Nous sommes dans l’innovation de nouveaux usages induisant inévitablement une remise en question de l’organisation et des modèles économiques existants. Même si la question de la rémunération des actes peut être résolue sur la base des nomenclatures et systèmes de tarification actuels, se posent la question de la répartition des coûts liés à l’investissement technologique, et son maintien en condition opérationnelle. Les dispositifs mis en œuvre sont en effet en usage « partagé » entre effecteurs et prescripteurs. Qui doit porter ces coûts initiaux et récurrents ? Quelle clé de répartition ? Des forfaits techniques peuvent-il être établis ? si oui sur quelles bases ? La valorisation des gains induits par l’évitement de déplacements, d’hospitalisations, ou de complications d’états de santé, permettrait d’évaluer une diminution de la dépense publique globale. Mais les financeurs ne sont pas forcément les bénéficiaires des gains. Certains diront aussi que l’on augmentera le nombre d’actes, mais dans un nouveau modèle il est nécessaire d’investiguer au-delà des coûts et gains directs. Le rapport « Efficience de la télémédecine »1, publié en juillet 2013 par la Haute Autorité de Santé propose un cadre d’évaluation médico-économique selon 4 axes d’effets attendus et 4 groupes de financeurs. Les différents projets régionaux de télémédecine devraient donc à termes pouvoir fournir des bases de mesures pour établir des modèles pérennes.
Indicateurs de satisfactions mesurés en Alsace sur 400 télé-actes réalisés : |
98 % patients satisfaits à très satisfaits 94 % patients « compliants » à très à l’aise lors d’un télé-acte 92 % télé-actes concluants à irréprochables 93 % d’effecteurs avec un index de confiance non dégradé |
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