Perspectives d’avenir en radiologie

0
4819

La téléradiologie

Il s’agit du principal défi que les radiologues vont devoir relever au cours des prochaines années. Les premières vacations de téléradiologie ont commencé il y a une dizaine d’années, leur mise en place a été progressive et à ce jour un grand nombre d’établissements (publics et privés) ont recours à ce type d’activité pour compléter leurs équipes sur site.

Le véritable enjeu à l’avenir sera de ne pas tomber dans une téléradiologie low cost où la concurrence entre entreprises de téléradiologie pourrait conduire à pratiquer les tarifs les plus bas afin de remporter le maximum d’appels d’offre et dévaloriser l’acte intellectuel du radiologue. Il va de soi que la téléradiologie doit rester une activité pratiquée par des médecins inscrits au tableau de l’Ordre (sans pour autant qu’ils exercent exclusivement en France).

Les patients commencent pour la plupart à s’intéresser à la télémédecine, les premières consultations seront remboursées par l’Assurance Maladie dès le mois de septembre 2018. Pour les radiologues pratiquant déjà cette activité depuis un certain temps, nul doute que celle-ci va s’amplifier en particulier dans le domaine de la télé-expertise radiologique (demande de deuxième avis…).

L’autre écueil sera celui du financement de ces sociétés de téléradiologie. Initialement créées par des médecins radiologues associés à des ingénieurs, il ne faudrait pas que celles-ci tombent dans l’escarcelle d’investisseurs privés. Pour éviter cela, les radiologues devront se regrouper, idéalement par territoire afin de créer un maillage régional de qualité qui s’intégrera dans un partenariat public-privé ou privé-privé (plusieurs groupes de radiologues mettront en commun leurs équipements) au service du patient, afin de permettre d’investir constamment dans les meilleures machines (TDM – IRM notamment) sans avoir recours à des investisseurs extérieurs dont les objectifs diffèrent quelque peu de ceux des radiologues.

La téléradiologie au service de la lutte contre les déserts médicaux   

Grâce à la téléradiologie, la notion de désert médical va rapidement devenir toute relative ; il est tout à fait concevable qu’à l’avenir, dans les territoires où la densité médicale (en radiologues notamment) est faible, les patients puissent réaliser leurs IRM et scanners sans qu’il n’y ait de radiologue sur place, la présence de manipulateurs étant suffisante. Ainsi, il sera possible de maintenir une activité d’imagerie en coupes (TDM – IRM) même en l’absence de radiologue “physiquement présent à l’hôpital” ; cela permettra sans aucun doute d’éviter une augmentation de délai d’obtention de rendez-vous pour une IRM (déjà l’un des plus longs d’Europe !).

La téléradiologie, une aide pour l’amélioration des pratiques professionnelles

La téléradiologie à grande échelle va permettre, d’une certaine manière, une uniformisation des protocoles de réalisation des examens ainsi que dans la rédaction du compte-rendu avec pour objectif principal, l’amélioration des pratiques professionnelles et in fine, une meilleure prise en charge du patient.

En effet, au sein des entreprises de téléradiologie, une relecture aléatoire des examens réalisés est effectuée par un collège de spécialistes d’organes (système de double lecture) dans un souci d’amélioration constante du service médical rendu aux patients. Il s’agit aussi de bien faire comprendre aux radiologues que la téléradiologie est une activité aussi sérieuse et à risque que la radiologie habituelle, tout doit être mis en œuvre pour limiter au maximum le nombre d’erreurs d’interprétation.

La téléradiologie au service du recrutement de radiologues hospitaliers

La pénurie de radiologues hospitaliers pèse lourdement dans la gestion de la permanence des soins. Là encore, la téléradiologie apporte un gain considérable dans la prise en charge des patients, en maintenant une activité dans un hôpital (qui n’aurait pas pu l’être faute de radiologues en nombre suffisant sur place), en permettant au radiologue sur place de réaliser les échographies et les gestes de radiologie interventionnelle (drainage, ponction…).

Les établissements y trouvent leur compte ; la gestion des plannings est également facilitée car moins de gardes hospitalières par radiologue, il y a moins de repos de garde et donc plus de radiologues en vacation …

Tous les GH sont confrontés à la même problématique, le nombre important de postes de PH non pourvus en radiologie. La différence de rémunération entre le public et le privé ne peut à elle seule expliquer ce désamour chronique. La demande exponentielle d’examens radiologiques a un impact négatif sur leur qualité et est l’une des causes du mal-être hospitalier. Décharger les radiologues hospitaliers d’une partie de ce travail chronophage (examens urgents en particulier) permettra de les recentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée au bénéfice du patient et de la qualité de vie du personnel hospitalier, sous peine de voir s’aggraver la pénurie de radiologues hospitaliers.

La pratique anglo-saxonne dite du “follow the sun” va également permettre d’améliorer la prise en charge des patients en France métropolitaine au cours des périodes de nuit profonde (minuit-7h) pendant lesquelles l’activité est de plus en plus importante et l’attention du radiologue décroît. Il s’agit de confier, la téléinterprétation des examens fait en France pendant cette période, à des radiologues français exerçant depuis un pays où le décalage horaire est favorable : le radiologue à l’étranger assure une vacation en journée, correspondant aux examens fait durant la nuit profonde en France : nul doute que la qualité des comptes-rendus sera améliorée et la prise en charge du patient optimisée.

La (r)évolution des manipulateurs

A l’image des infirmiers “en pratique avancée”, un certain nombre d’évolutions sont attendues concernant les manipulateurs en radiologie. En effet, des protocoles de coopération radiologue-manipulateur en lien avec les ARS ont vu le jour depuis peu et permettent l’apprentissage entre autres de l’échographie. Ainsi, la lutte contre la désertification médicale sera encore renforcée : le manque de radiologues sur place ne pénalisera aucun patient, les échographies seront pratiquées par les manipulateurs, les radiographies – scanners et IRM le seront aussi et interprétés à distance par un radiologue. Les manipulateurs gagneront en autonomie, leur implication dans la prise en charge du patient sera valorisée et le manque de radiologues sur site ne sera plus un frein à l’accès à l’imagerie dans les zones reculées !

La Blockchain

Peu connue des médecins et des patients, elle va constituer une véritable révolution concernant le stockage, la transmission et l’utilisation des données de santé (données de l’examen clinique, examens biologiques, résultats de scanners et d’IRM…)

Elle permettra, dans un avenir relativement proche, aux professionnels de santé d’accéder au dossier médical crypté du patient quelque soit le système d’information de leur établissement de santé ou cabinet médical, l’inter-opérabilité sera la règle.

Le développement de la blockchain ira de pair avec la constitution de la base de données en imagerie afin d’améliorer la précision des algorithmes d’intelligence artificielle (plus la quantité d’imagerie sera importante, plus l’algorithme sera robuste et celui-ci validé pour la pratique quotidienne). Evidemment, le principal risque est celui de la revente de ces informations liées au piratage même si la blockchain se veut infalsifiable, transparente et coopérative.

L’Intelligence artificielle (IA) : ennemie ou alliée ?

Concernant l’intelligence artificielle, la question n’est pas de savoir si elle va révolutionner la radiologie mais quand va-t-elle le faire concrètement ?

L’IA va indubitablement permettre d’augmenter l’efficience du radiologue. Les algorithmes en cours d’élaboration ont pour objectif d’apprendre à l’ordinateur, à interpréter les examens actuellement lus par le radiologue mais, malgré les annonces récentes médiatisées, ils doivent encore être validés et certains manquent de robustesse. De ce point de vue, les américains ont une certaine longueur d’avance ; leur principal avantage réside dans le nombre de patients à disposition et donc d’iconographies, qu’ils réussissent à colliger pour permettre d’obtenir des algorithmes très performants.

Le véritable intérêt de l’IA serait qu’elle soit chargée d’interpréter les examens réalisés au cours d’une garde de nuit (moment pendant lequel la baisse d’attention du radiologue est la source d’erreur d’interprétation) ; les pathologies rencontrées sont toujours les mêmes, les examens réalisés également : l’apprentissage de la machine se voit facilité. Par ailleurs, l’IA va permettre de libérer du temps médical pour le radiologue et lui permettre de se consacrer à des dossiers plus complexes, à des gestes interventionnels, de communiquer plus longuement avec son patient… tels seront les véritables bénéfices qu’il pourra en retirer.

L’IA permettra de véritablement entrer dans la radiologie prédictive du XXIe siècle lorsque ses algorithmes seront liés à la base de données cryptées de la blockchain.

Sa grande force sera, non pas la détection et l’interprétation des images, mais l’agrégation de toutes les “données patients” permettant une analyse prédictive de la réponse à telle ou telle thérapeutique (en se basant sur l’analyse d’une multitude de cas similaires via, entre autres, le machine and deep learning). La médecine personnalisée reposera sur cette intelligence artificielle “intégrative”.

L’avènement de l’IA permettra aussi de voir émerger une nouvelle forme de responsabilité juridique : qui du médecin radiologue ou de la machine devra se justifier en cas d’erreur ?

Docteur Moustarhfir Malik
Médecin Radiologue
Fondateur d’Imaging Consult® (www.imagingconsult.fr)

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici