Ce que peut apporter la télémédecine dans le fonctionnement des GHT

Part- President Société Française de Télémedecine,
President Association Nationale de Télémedecine,
Consultant.
Le rapport de fin de mission sur les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT)[1] met en lumière la place de la télémédecine dans le fonctionnement médical des futurs GHT qui devront être identifiés dans chaque région sanitaire d’ici le 1er juillet 2016. La mise en œuvre des GHT est l’une des réformes les plus restructurantes de la loi de modernisation du système de santé.
Il n’est pas question de commenter ici toutes les recommandations de ce rapport qui serviront à élaborer les prochains décrets d’application de la loi. Nous ferons seulement un focus sur le chapitre 3 intitulé “Nos trois orientations pour le modèle de financement d’une activité territorialisée grâce au recours à la télémédecine“.
Les auteurs ont souhaité profiter du rapport de fin de mission pour évoquer les enjeux de rémunération des activités de télémédecine. Ils font le constat qu’il n’y a pas eu un seul déplacement en région sans qu’ils aient été interpellés sur les enjeux de la télémédecine. Ils estiment que les professionnels hospitaliers ont raison de s’inquiéter des conditions de développement de cette pratique de la médecine à distance. En effet, la notion même de territorialité des soins ( “le juste soin au bon endroit au juste prix”) conduit naturellement à intégrer dans les organisations de filières ou de parcours les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour optimiser le temps de travail médical et réduire le temps passé inutilement dans les transports, qu’il s’agisse des médecins ou des patients.
Et les auteurs de rappeler avec raison que la télémédecine a vocation à faciliter la gradation des soins à trois titres :
1) En permettant de réaliser à distance les consultations avancées pour faciliter l’accès aux spécialités et l’organisation des parcours inter-hospitaliers. Les consultations avancées entre les hôpitaux se sont développées au début des années 90 à une période où le financement des établissements de santé relevait du budget global. Autrement dit, lorsqu’un médecin spécialiste quittait son établissement de rattachement pour aller faire des consultations avancées dans un petit établissement qui n’avait pas de médecins spécialistes, l’établissement de rattachement gagnait de l’argent puisque pendant cette absence le médecin spécialiste ne “consommait” pas de moyens financiers. L’établissement qui bénéficiait de ces consultations avancées était également gagnant, tant sur le plan de sa notoriété que sur le plan des recettes financières qu’il obtenait sans avoir à sa charge le médecin consultant, dont le salaire relevait de l’établissement de référence. Le médecin qui acceptait de faire des consultations avancées était lui-même gagnant, puisque cette pratique fut encouragée au milieu des années 90 par l’attribution d’une prime multisites d’environ 300 euros/mois qui s’ajoutait à son salaire hospitalier.
Lorsque le financement à l’activité (T2A) remplaça le budget global à partir de 2004, et surtout 2008 où la substitution fut de 100%, le raisonnement des établissements de santé qui pratiquaient des consultations avancées fut totalement inversé. L’établissement de référence perdait de l’activité lorsque ses médecins spécialistes étaient en consultations avancées alors que l’établissement périphérique, qui bénéficiait de ces consultations, était gagnant car il recevait des recettes de consultations sans avoir la charge financière du médecin consultant. La plupart des établissements de référence concernés ont alors traduit ces consultations avancées dans des conventions inter-établissements qui stipulaient que l’établissement bénéficiaire devait reverser à l’établissement de référence un forfait visant à compenser le “manque à gagner” pendant l’absence du médecin spécialiste qui était en consultation dans le petit établissement de proximité.
Lorsque la mission Hubert/Martineau propose de développer des téléconsultations avancées, au lieu de consultations sur place dans les petits établissements de proximité du GHT, elle vise d’une part, une meilleure efficience du temps médical dans les établissements support de la GHT, d’autre part, la garantie du maintien d’une offre de qualité aux patients du territoire de santé grâce à l’identification d’un parcours de soins gradué dans le projet médical de territoire. Le modèle économique des téléconsultations avancées doit être bien analysé. Mais avant de considérer que cette nouvelle pratique de télémédecine ne serait pas financée aux établissements supports du GHT, il importe de mettre à plat tous les flux financiers qui existent déjà dans la pratique des consultations avancées sans télémédecine.