Interview 3 Questions à M. Dominique COLAS Président de l’ANCHL : Association Nationale des Centre Hospitaliers Locaux
Les directeurs d’établissements de santé locaux semblent inquiets sur la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT)
Pourquoi cette restructuration vous inquiète-t’elle?
Les groupements hospitaliers de territoire représentent une forme de coopération peu adaptée aux centres hospitaliers locaux. La notion de territoire est problématique : les nombreuses coopérations déjà effectives entre CHL, et avec d’autres structures comme les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (publics ou territoriaux), sont transfrontalières. Elles ne peuvent se limiter au territoire fermé du GHT. D’autre part, le territoire de santé délimité par le groupement hospitalier de territoire risque se révéler trop étroit pour le CHU, mais trop vaste pour le centre hospitalier local qui opère, lui, dans le bassin de vie. Les critères de définition du territoire du GHT doivent se baser non pas sur des notions de distance, mais davantage sur les besoins populationnels.
De plus, comme le mentionnent nombre de rapports des Chambres des Comptes, les coopérations existent déjà largement tant pour les soins que pour les aspects logistiques. Les Systèmes d’Information Hospitaliers sont mutualisés au niveau régional ou national, les Instituts de Formation en Soins Infirmiers ont déjà une vocation régionale, les achats sont largement regroupés. Remodeler à tout prix à l’échelle territoriale va détruire des coopérations existantes à une autre échelle (SIH, Département d’Information Médicale ou contrôle de gestion mutualisé à l’échelle régionale) ou des formules plus originales de mutualisation avec des collectivités territoriales, avec des associations ou avec des acteurs de droit privé.
Nous regrettons l’absence de référence de la place du médecin généraliste au sein des GHT. Les acteurs du premier recours, dont la médecine de ville, en sont exclus.. L’Association nationale des centres hospitaliers locaux préconise une organisation du parcours de santé sur un modèle alliant l’hôpital, les services de soins infirmiers à domicile SSIAD, les maisons de santé pluridisciplinaire, les EHPAD, la médecine ambulatoire et autres professionnels de santé. L’ANCHL préconisait, la prise en compte d’un groupement des acteurs de santé de premier recours dans lequel les Centres Hospitaliers Locaux trouveraient davantage leur place que dans le dispositif initial.
A défaut de l’adhésion facultative au GHT, l’ANCHL demande à ce que la charte d’intégration des CHL dans les GHT* soit respectée. Nous demandons la reconnaissance du rôle et des particularités des CHL. Cela suppose le maintien d’un directeur chef d’établissement, un projet médical partagé et l’étude des subsidiarités possibles.
* charte votée lors du Conseil d’Administration de la Fédération Hospitalière de France
Vous semblez également inquiet par le décret à paraître en mars 2016 , sur l’organisation et le financement dérogatoire des hôpitaux de proximité pour 2016, en cours d’élaboration au ministère de la Santé.
Pouvez-vous nous donner les raisons de l’inquiétude des directeurs d’établissements ?
Ce texte cherche à concilier des réalités par trop différentes entre les hôpitaux locaux et les Centres Hospitaliers, entre publics et lucratifs, ESPIC et établissements publics. Le Décret est délicat à élaborer en raison de l’hétérogénéité des établissements. Nous formulons plusieurs critiques, dont les principales concernent la définition du territoire de proximité et l’absence de prise en compte de l’exercice de la médecine générale :
-nous regrettons que le territoire de proximité soit défini par des critères temporels et kilométriques au détriment de critères relatifs à l’organisation du premier recours de ville, existant ou potentiel, dans un bassin de vie cohérent. Nous proposons que le territoire de proximité respecte le territoire de l’intercommunalité de la commune d’implantation de l’établissement, impliquant des plus les élus.
– nous regrettons particulièrement l’absence de référence à la médecine générale et à son rôle dans l’hospitalisation de proximité. Nous rappelons qu’elle est intrinsèquement liée aux CHL et non à côté de ses activités.
Ce projet de décret n’est pas prospectif. Il ne propose pas de perspective dynamique dans l’élargissement des activités de l’hôpital de proximité, celui-ci pouvant traiter beaucoup plus de patients, de façon subsidiaire aux établissements plus importants (développement de la télémédecine, consultations avancées…).
La mise en place des GHT, va vraisemblablement se traduire par des responsabilités accrues :
Faut-il réviser le régime indemnitaire des directeurs ?
Tout d’abord, le management d’un Centre Hospitalier doit rester un management de proximité. Ce ne sont pas des tableaux de bord qui font la force d’un établissement mais la qualité des relations entre une équipe de direction, le corps médical, les patients et hébergés, les agents et les élus locaux. Les mutualisations envisagées par les GHT ne doivent pas conduire les établissements à se dessaisir des fonctions à exercer du terrain (service économique, ressources humaines…). La notion de Directeur du GHT est purement symbolique : le GHT n’aura pas la personnalité morale et donc de Directeur (très virtuel) n’aura pas de responsabilité réelle. Il n’aura pas non plus la légitimité d’une nomination officielle. Certains ont pu voir dans les GHT la possibilité d’accéder au rang de Directeur général et ont voulu donner au GHT cette personnalité morale pour élargir les opportunités de carrière, jusqu’à ce qu’ils comprennent que les Directeurs généraux de CHU se voyaient comme les leader naturels des GHT. Il faut revaloriser ce qui a trait aux intérims et directions communes mais avant cela, respecter le cadre limitatif, notamment des durées d’intérim. Des dispositions propres aux GHT ne sont pas nécessaires.