La digitalisation des lames au CHU de Rennes : un tournant qui nécessite espaces de stockage et puissance de calcul
Tandis que la radiologie a initié le mouvement il y a plus de 10 ans, l’anatomopathologie commence tout juste à se tourner vers la digitalisation. Fini le recours aux microscopes, le CHU de Rennes est le premier à déployer un système numérique de lecture de lames. Il a été accompagné dans cette mutation par les solutions de Dell Technologies.
Un volume considérable de données
L’anatomopathologie, un secteur particulièrement gourmand en données. Là où la radiologie requiert 0,1 Go pour un scanner et 0,5 Go pour une IRM, une seule lame d’histologie nécessite quant à elle de 1 à 4 Go. « Quand on sait qu’un dossier patient contient entre 4 à 5 lames, on comprend que nos besoins sont immenses, plus importants encore que pour le séquençage génomique », relate Solène Florence Kammerer-Jacquet, pathologiste. Et pourtant, les services et les patients ont tout à y gagner. « Dans ce secteur, chaque jour qui passe est un jour d’anxiété, souligne Christine Pichon, la DSI. Le passage au digital permet non seulement d’augmenter la qualité des diagnostics mais également de réduire le délai d’attente pour les patients ». C’est pour répondre à ces besoins exprimés par les services que la DSI du CHU de Rennes a choisi de franchir le pas. Depuis l’été 2020, l’établissement est le premier à être doté d’un système numérique de traitement des lames, sur un volume en constante évolution, comme le rappelle Nathalie Rioux-Leclerc, chef du service d’anatomie et Cytologie Pathologiques. « Nous traitons en moyenne 42 000 cas par an, ce qui correspond à 165 000 lames d’histologie, avec une part de pathologies cancéreuses de plus en plus importante ».
Un traitement et une lecture facilités
Alors quels sont les avantages d’une telle digitalisation ? Tout d’abord, la lecture sur écran et non plus sur microscope facilite le process de travail des pathologistes. « Les lames sont classées dans le dossier patient, insiste Nathalie Rioux-Leclerc. Il est possible d’annoter directement les lames, de dicter nos compte-rendus simultanément et de faire défiler les images. Cela évite de nombreux va-et-vient entre l’écran et le microscope, comme nous en avions l’habitude. Cela nous apporte beaucoup de fluidité ».
Et en termes de visionnage, c’est une petite révolution. La lame peut être vue dans son ensemble, ce qui était impossible auparavant. Les déplacements et les zooms sont plus rapides. « On voit ainsi plus aisément les petites lésions très localisées », apprécie Nathalie Rioux-Leclerc.
Les avantages sont encore nombreux aux yeux des analystes mais une autre avancée est celle du « décloisonnement des spécialités ». Selon Solène Florence Kammerer-Jacquet en effet, « le partage est facilité. Les lames peuvent être échangées avec des experts pour confirmer nos diagnostics par exemple. Cela rapproche beaucoup notre pratique de celle des radiologues ».
La nécessité d’une architecture solide
Pour faire face aux défis induits par cette numérisation, l’établissement de Rennes se devait d’être doté d’outils puissants en termes de stockage et de puissance de calcul. « 50% de ce projet, c’est la gestion des volumes de données », fait remarquer Emmanuel Canes. Le directeur du développement de la santé en Europe du sud pour Dell Technologies ajoute que, si les scanners de lames existent depuis des années, leur usage était limité car les technologies de l’information (plates formes et capacités de calcul) n’étaient pas au niveau. « C’est l’arrivée de nouveaux outils et la baisse du coût de stockage qui rendent possible ce genre de projets. Aujourd’hui, la gestion de 200 ou 300 000 lames ne fait plus peur ».
La baisse des coûts, le nerf de la guerre en effet quand on sait que les investissements en systèmes ne représentent pas moins de 2 millions d’euros par an à Rennes et augmentent chaque année. « Et l’anapath gonfle considérablement nos besoins, indique Christine Pichon. Le service génère 112 To de données, soit 10 % des besoins de stockage du CHU ». Voilà pourquoi l’utilisation de la plateforme Isilon de Dell Technologies présentait plusieurs atouts. « Cette plateforme dispose d’un seul système d’exploitation etpermet d’être administrée très simplement, pour des volumes allant jusqu’à plusieurs centaines de téraoctets, explique Pascal Pradelle, responsable des ventes de solutions d’infrastructures informatiques pour Dell Technologies. Cela évite de requérir à des personnes dédiées pour gérer la plateforme et limite donc les ressources associées ». De plus, ses performances sont linéaires prédictibles. « Chaque fois que l’on ajoute de la volumétrie (en ajoutant des nœuds et du réseau), on augmente la performance, le tout dans un environnement de stockage scale-out ».
Face à ces éléments, la DSI n’a donc pas hésité en choisissant comme support des applications de digitalisation des lames, non pas une plateforme séparée, mais bien celle déjà existante avec Isilon.
Vers l’intégration de l’IA en anapath
En définitive, la numérisation n’en est qu’à « sa première étape », comme l’indique la DSI. Le passage à la vitesse supérieure verra l’introduction d’intelligence artificielle dans le service. « Les algorithmes vont pouvoir détecter les anomalies plus rapidement et préanalyser les lames, projette Solène Florence Kammerer-Jacquet. Les logiciels nous indiqueront quelles zones sont à analyser plus particulièrement ». Dans un domaine où les biologistes sont en pénurie, le but n’est donc pas de les remplacer mais bien de leur apporter une aide non négligeable au diagnostic. Et au-delà, l’IA pourra être utilisée par la recherche, pour améliorer la prédiction de certains pronostics.
Les possibilités sont donc nombreuses. Côté DSI, il s’agit désormais de « mettre à disposition un environnement de travail adéquat pour faciliter la connexion aux divers outils et ainsi permettre le développement des algorithmes ». Face à cet enjeu, encore une fois, le bon dimensionnement des infrastructures sera crucial.
Marion BOIS