Au prix d’importantes concertations, les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) se composent progressivement. La convergence des systèmes d’information est un enjeu central dans la stratégie de mobilité des professionnels de santé, dont l’objectif est de gagner en opérabilité.
UNE RÉFORME A PLUSIEURS VITESSES
Qualifiée par beaucoup de révolution silencieuse, la réforme hospitalière conduite par Marisol Touraine suscite dans le milieu hospitalier, plus d’adhésions que d’oppositions fortes. Cette réforme a pour elle de recentrer les débats sur les conditions d’accès au soin et le parcours du patient, malmenés jusqu’ici par les effets d’une politique de financement concurrentielle fort peu propice à une offre de soin coopérante.
Reste que le calendrier est ambitieux. Dès juillet 2016, les groupements hospitaliers de territoire doivent avoir été définis. La réforme implique pour les nombreux acteurs opérant sur un bassin de vie d’entrer pleinement dans une démarche de coopération qu’ils n’avaient jusqu’ici pas entièrement intégrée dans leurs pratiques.
Un GHT est d’abord le fruit d’une concertation, concrétisée dans une convention qui doit embrasser et respecter autant la lettre de la loi que les spécificités des établissements membres. Pour impliquer l’ensemble du personnel dans la réforme, on peut parfois regretter le manque de temps, lorsqu’en parallèle, les acteurs attendent avec impatience les décrets d’application relatifs aux GHT qui préciseront les étapes du processus.
UN SYSTÈME D’INFORMATION COMMUN
Sans personnalité morale, les GHT forment un groupe d’établissements publics dont la gouvernance est partagée. Les fonctions transversales comme le système d’information, les achats ou encore les plans de formation sont supervisées ensemble.
Le système d’information est à ce titre très emblématique de l’esprit de la loi. Le projet de décret dispose que « tous les établissements parties au GHT utilisent, pour chacun des domaines métiers, une brique applicative identique fonctionnant sur une infrastructure commune ». En d’autres termes, cela signifie que tous les établissements membres doivent se séparer de leur infrastructure informatique actuelle et des solutions logicielles métiers qu’ils exploitaient jusque là pour se réunirent autour d’une seule direction des systèmes d’information, qui assurera l’accès aux données communes.
Fort heureusement pour les équipes de direction hospitalière, le projet de décret reporte à 2020 l’opérationnalité d’un tel système d’information. On imagine mal, en effet, répondre en quelques mois à un projet aussi structurant qu’un SI commun pour des établissements de soin aussi hétérogènes dans leurs missions que dans leurs pratiques quotidiennes. Pour autant, la question numérique et informatique se pose d’ores et déjà et à plus d’un titre.
REPENSER LE SUIVI DU PATIENT
L’esprit de la loi santé 2015 repose sur une perspective collective centrée sur les besoins des patients plutôt que sur les structures de santé. Il implique la proximité et la subsidiarité des soins et à ce titre, de renforcer la mobilité des praticiens et plus généralement de tout le personnel hospitalier hors les murs de leur établissement principal, pour permettre au patient de bénéficier des actes les plus appropriés, dans les établissements publics de santé les plus adaptés.
Après de longues heures de concertation autour du projet médical commun et certainement de longues heures de négociation également, il serait cruel d’être immobilisé dans la mise en œuvre pour des raisons purement techniques. Ce qui fera en partie le succès du GHT, ce seront ses solutions concrètes, de terrain.
En pratique, pour que la mobilité soit pleinement efficiente, le médecin doit accéder au dossier médical de son patient quel que soit le lieu où celui-ci se trouve. Il doit en outre disposer de l’ensemble des outils logiciels avec lesquels il est habitué à travailler. Il doit enfin pouvoir disposer d’une vue globale du parcours de soin, dans une logique de traçabilité. Ce sont des pré-requis, tangibles et pratiques, à mettre en œuvre rapidement pour conserver l’enthousiasme né de la réforme.
Ici, la question n’est donc pas d’établir un système d’information commun à toutes les structures du GHT, mais bien de permettre aux personnels de soins d’accéder au système d’information qui héberge le dossier du patient et de disposer de son environnement de travail, virtualisé. On parle d’ouverture du système d’information, et elle suppose une sécurité maximale.
UN ACCÈS AUX DONNÉES ÉLARGI ET SÉCURISÉ
Les établissements de santé qui ouvriront leur SI, d’une part à leur personnel en propre et d’autre part aux intervenants extérieurs, participeront pleinement à l’efficacité et à la réussite de leur GHT. Chirurgien se déplaçant sur un plateau technique plus adapté à une intervention lourde, personnel d’une maison de retraite souhaitant disposer d’une information complète des soins prodigués en hôpital, infirmerie d’une maison d’arrêt accédant aux résultats d’analyse d’un détenu… les cas d’usages seront exponentiels.
Mais ouvrir son SI vers l’extérieur suppose que l’on puisse aisément identifier le professionnel. Rien de mieux pour cela que la carte professionnelle de santé, qui permet à chacun de s’authentifier en une seule fois et de se connecter rapidement. C’est une brique technologique couplée à une solution de gestion des identités qui permettra un accès aux données de façon pertinente et sécurisée.
Emmanuel Canes, responsable commercial France des marchés de la santé chez Dell, insiste sur ce point : « Les calendriers de convergence des SIH au sein d’un GHT vont être très hétérogènes. Il faut débuter par une gestion de la mobilité et l’envisager de bout en bout. Gérer toutes les briques techniques de la mobilité du poste client jusqu’au bureau virtuel en passant par l’authentification forte est un bundle indissociable ».
Les atouts d’une démarche d’ouverture du SI sont nombreux. Rapidement opérationnelle, elle permet à chacun d’entrer de plain-pied dans la nouvelle coopération induite par les GHT. Comme elle suppose une bonne gestion des identités et des droits d’accès aux données, elle prépare la future agrégation d’un annuaire professionnel commun à toutes les entités du groupe. Elle répond aux spécifications de sécurité des données confidentielles de santé requises par la CNIL. Enfin, de façon non négligeable, elle rend candidat au programme Hôpital numérique tous les établissements ayant procédé à la sécurisation de leurs accès.
C’est un processus long, qui s’élabore étape par étape, adapté aux divers degrés de maturité informatique des membres du GHT et propre à mener ses acteurs vers des projets ultérieurs de consolidation.
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