Chronique 5 – SIH – Solutions
Docteur Christophe Delong – le lundi 23 février 2015
Capteurs, “wearables”, logiciels, réseaux sociaux de forme, coaching bien-être ou même santé : tout cela se met en place tranquillement ou très vite. Nous en sommes arrivés ainsi assez naturellement à un “quantified-self”, à des “health-apps” multiples et foisonnantes.Globalement, la forme et le bien-être sont à notre portée. Les Google Fit, iHealth d’Apple, Samsung Health se développent. Whithings marque des points, d’autres start-ups se spécialisent sur une pathologie spécifique, par exemple le diabète surtout : les apps sont nombreuses … et gratuites. Information récente : Google abandonne d’une certaine manière ses glasses. Dont acte. Mais la e-médecine, la télémédecine ou quelle que soit le nom que l’on veut employer pour l’utilisation des outils numériques demain en santé n’est pas la e-forme !
Le défi majeur sera de passer aux standards de robustesse demandés par la médecine occidentale d’aujourd’hui. Qui va évaluer les technologies qui déferlent ? Qui a commencé ? Quels seront les critères d’évaluation des mesures proposées ? Le CNOM vient d’éditer 10 recommandations pour l’évaluation et l’utilisation de ces applications et autres capteurs, sous la Direction du Docteur jacques Lucas. Certains se demandent comment vont pouvoir être analysés les centaines de logiciels qui naissent chaque semaine sur le champ de la santé. Nous sommes devant un nouveau paradigme d’évaluation du service rendu, et de la qualité de ce qui n’est pas un médicament, pas un dispositif, pas une prescription médicale ou paramédicale..Pourtant ne nous leurrons pas : si certains accepteront le low-cost de l’à-peu-près, le public et les états demanderont bientôt des “comptes” à ces logiciels qui prétendent aider à nous soigner.
Pour étudier ces logiciels et wearables, il faut mettre en place rapidement une collaboration légère entre les sciences dures, habituées à analyser les systèmes complexes dont se prétendent dotés la plupart des outils sur le marché, et la médecine. Les applications se déploient le plus souvent sur le terrain de la forme et du sport. Donc les sciences du sport pourraient apporter leur expertise sur certains sujets. Mais sommes nous préparés ?
Retour sur une tribune
La semaine dernière est parue une tribune tout à fait intéressante dans le Figaro-Santé, du professeur Amandine Aftalion – Professeur a l’Ecole polytechnique – Laboratoire de mathématiques de Versailles-UMR 8100, intitulée “Pourquoi le sport de haut niveau a besoin des sciences”.
“En France, le monde des sciences dures et celui du sport vivent très séparés. Ce n’est pas comme à Stanford où les Prix Nobel côtoient les médailles olympiques. Un divorce a la française ? Ou bien ont ils jamais été unis ? En France, par tradition, les filières STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), qui forment les futurs professionnels du monde du sport, même si elles sont souvent hébergées dans les facultés de sciences, sont assez déconnectées des sciences dures et des grandes écoles. On y enseigne fort peu de mathématiques ou de physique.” (…) La France promeut le sport par le biais de l’Insep (institut national du sport, de l’expertise et de la performance) mais sans lien avec les grandes écoles scientifiques ou instituts de recherche. A l’Insep, les chercheurs ne sont que peu en contact avec leurs homologues internationaux Ils ne sont quasiment pas représentes dans les comités éditoriaux des grandes revues internationales et on peut remarquer, dans la direction scientifique, une absence de véritable volonté de s ‘ouvrir. Les sciences dures sont à l’ avant garde de la gestion des systèmes complexes, et une vue intégrée de tous les paramètres requiert une approche scientifique globale qui manque aujourd’hui a l’Insep.”(…) N’est il pas temps (…) de faire appel aux sciences dures pour mieux comprendre la performance sportive?”
“Aujourd’hui, nous recueillons beaucoup de données que la plupart des entraîneurs, start up ou produits ne savent pas vraiment exploiter Nous avons besoin de modèles macroscopiques qui permettent d’aider a la performance, a l’effort, a l’entraînement pour améliorer la santé du sportif de haut niveau autant que celle de l’amateur. A partir des équations de la performance sportive, on peut même envisager la planification de l’activité du sportif amateur, mais aussi dans l’avenir, celle du patient convalescent, c’est a dire déterminer sa fatigabilité et l’aider à la reprise de l’exercice Les équations devraient permettre de calculer l’optimisation de la dépense énergétique, et de l’effort a fournir, et aider a établir le protocole d’exercice. Les liens entre mathématiques et médecine sont forts en France actuellement, et beaucoup d’équipes sont impliquées dans des collaborations, mais c’est moins le cas sur la pratique sportive.
Il faut “un soutien scientifique international car la science française a des réseaux et est appréciée et reconnue dans le monde entier. Ce lobby, n’est il pas temps de l’activer en faisant entrer les sciences dures dans les plates formes, comités et travaux consacrés au sport?”
Je suis Médecin du sport et Médecin Universitaire de Rééducation. Je suis passionné par ce que la science nous promet aujourd’hui. Je suis bien persuadé, comme le Professeur Aftalion, que l’évaluation et la régulation que le CNOM appelle de ses voeux ne pourra se contenter des études de l’INSEP. Il faudra se résoudre à allier sport et sciences dures pour aboutir à un vrai projet médical, robuste, solide, en m-santé. Il faut une volonté, des connaissances et un savoir-faire. Saurons nous utiliser ceux qui ont ces 3 atouts ?
[…] La e-médecine ou quelque soit son nom utilise des outils numériques en santé mais n'est pas de la e-forme. […]