Depuis quelques mois, une effervescence démocratique secoue le territoire français et a donné lieu au Grand Débat. Né d’un constat commun sur la nécessité d’un nouveau contrat entre l’état et les citoyens, cette initiative aété l’occasion pour beaucoup de secteurs de témoigner de leurs difficultés,puis de proposer des mesures afin d’améliorer leur quotidien. En tension depuis trop longtemps, l’hôpital public est alors monté à la tribune,représenté par le groupe des 26 de la SMPS (Syndicat des Managers Publics de Santé).
UN COLLECTIF INÉDIT EN FRANCE
« Né du partage de la situation complexe du système de santé français et du malaise grandissant présent autour de l’hôpital, l’ensemble des acteurs hospitaliers – la ligne managériale, les professions médicales et soignantes, les patients – s’est rassemblé pour former ce collectif », déclare Jérémie Sécher, président du SMPS.
L’OBJECTIF D’AFFICHER LA COMPLÉMENTARITÉ ENTRE PATIENTS, SOIGNANTS ET PERSONNEL MÉDICAL S’ACCOMPAGNE D’UNE AMBITION DÉPASSANT LE CONSTAT D’UNE ADMINISTRATION COMPLEXE ET D’UNE RIGUEUR FINANCIÈRE ; POUR LES 26, IL S’AGIT EN EFFET, PAR DES PROPOSITIONS CONCRÈTES, DE « REPLACER LA SANTÉ AU CŒUR DE L’HÔPITAL EN REDONNANT DU TEMPS AUX SOIGNANTS ET DU SENS À CHACUN DES PROFESSIONNELS, TOUTES CATÉGORIES CONFONDUES », AJOUTE-T-IL.
Ce cheminement intellectuel provient d’attentes et de besoins forts, corolaires d’une transformation du secteur de la santé en France :
– Le vieillissement de la population ;
– Le développement des maladies chroniques ;
– La prise en charge des populations vulnérables ;
– La prévention ;
– La demande de dialogue de la part des usagers et de leurs représentants.
UN CONSTAT RÉALISTE PARTAGÉ PAR LES HOSPITALIERS ET LES PATIENTS
Ce collectif propose donc un véritable engagement du milieu hospitalier dans le débat public, engagement qu’il ne cesse de concrétiser depuis un an. En mai 2018, le groupe des 26 poursuit ses efforts afin de tirer la sonnette d’alarme avec la publication d’un rapport intitulé « Changer la vie à l’hôpital ». Dans ce dernier, il dresse un constat réaliste de l’état de l’hôpital public français.
D’une part, les praticiens accusent une nette baisse de leur qualité de vie ainsi qu’une perte de sens face à leurs missions. Le personnel hospitalier recherche par exemple un autre quotidien avec une meilleure répartition du temps en faveur de la pratique, mais aussi un regain d’attractivité pour leur carrière. Le potentiel de la recherche clinique et de l’innovation est également remis en cause. Celui-ci n’ayant cessé d’être revu à la baisse, cette tendance menace maintenant les capacités du secteur public à attirer et fidéliser les meilleurs chercheurs en France.
D’autre part, les évolutions sociétales et psychologiques ont transformé la relation entre l’hôpital et les patients : mieux informés, ces derniers demandent maintenant une meilleure représentation dans la gouvernance et au sein des processus décisionnels, grâce à un rapport de force plus équilibré. La montée en puissance des associations de santé accompagne ce besoin de représentativité, exprimé notamment par le nouveau concept de « patient-citoyen ».
UN NOUVEAU CONCEPT POUR DÉMOCRATISER LA SANTÉ
« Trois des sept propositions du rapport concernent l’implication et la place de l’usager, faisant de lui un réel protagoniste du système de santé, en l’associant davantage comme un citoyen acteur et capable de décision ». Comme l’explique Jérémie Sécher, l’usager doit maintenant dépasser sa condition de simple patient. La définition de ce concept de patient-citoyen implique par conséquent trois pistes de réflexions :
– Un nouveau contrat pour les patients, réinventant leur place au sein des gouvernances des instances décisionnaires et en facilitant leur accès aux professionnels du système ;
– Une représentation forte des médecins, soignants et patients dans les gouvernances internes des établissements pour construire une vision partagée d’une logique de soin au-delà des nécessités
économiques ;
– Une gouvernance en santé de territoire, souple, stratégique et inclusive pour l’ensemble des acteurs, des professionnels du public ou du privé, des élus ainsi que les représentants des usagers.
Ces fondements encadrent la redéfinition du concept de patient et nourrissent la plupart des mesures proposées dans le cadre du grand débat national.
DES MESURES D’URGENCE PENSÉES PAR LES PROFESSIONNELS
Profitant de cette occasion, le groupe des 26 a construit quatre propositions concrètes, résultat de plusieurs mois de recherches et d’analyses effectuées en amont. Pour accompagner la transformation du secteur de la santé publique et répondre à l’état d’urgence du milieu hospitalier en France, le groupe propose :
– Un dispositif financier pour une revalorisation salariale des hospitaliers, notamment des soignants. Ce dispositif serait potentiellement équivalent à la prime d’activité mise en vigueur dans
le secteur privé ;
– Des voix consultatives patientes au sein des directoires des établissements de santé. Celles-ci inséreraient les usagers au cœur de l’hôpital, à l’intérieur même des gouvernances de territoire ;
– Un pilotage horizontal du système de santé associant les professionnels. Il serait question de mettre les délégations départementales des Agences Régionales de Santé (ARS) à disposition
des professionnels pour recueillir leurs propositions dans le cadre du grand débat et conduire au mieux la transformation des organisations territoriales ;
– La création d’un task-force de patients et de professionnels de santé expérimentés au sein du Ministère de la Santé. Sa mission bicamérale serait de donner un avis obligatoire sur les textes gouvernementaux portant sur le secteur sanitaire, afin de constituer une validation professionnelle et technique des textes, assurant leur pertinence et leur caractère opérationnel.
LE RAPPORT « CHANGER LA VIE À L’HÔPITAL » ET SES PROPOSITIONS ONT RÉUSSI À TROUVER UN CERTAIN ÉCHO AU SEIN DES POUVOIRS PUBLICS, INDIQUE JÉRÔME SÉCHER, GRÂCE À LEUR PROXIMITÉ AVEC LE PROJET « MA SANTÉ 2022 ».
Les sept principales annonces publiées par le groupe des 26 entrent en corrélation avec la future loi de Dominique PON sur plusieurs thématiques, telles que : favoriser une meilleure organisation
des professionnels de santé ; accroître la qualité et la pertinence des soins ; moderniser le pilotage de l’hôpital et son management ; redonner du temps aux médecins pour soigner ; accompagner les évolutions et soutenir les professionnels hospitaliers dans la réalisation de leurs missions ; notamment par l’ouverture de nouveau parcours professionnels.
LES PRÉCONISATIONS RELATIVES AUX SYSTÈMES D’INFORMATION, À TITRE D’EXEMPLE, ILLUSTRENT UNE LECTURE IDENTIQUE DES PROBLÉMATIQUES DE LA SANTÉ PUBLIQUE ENTRE LE GROUPE DES 26 ET « MA SANTÉ 2022 » L’UN COMME L’AUTRE METTANT L’ACCENT SUR L’IMPORTANCE D’UNE MEILLEURE COMMUNICATION À L’ÉCHELLE DES TERRITOIRES.
Néanmoins, Jérôme Sécher reste prudent, en soulignant l’attention particulière qu’il faudra porter au suivi « des effets et des concrétisations sur le terrain, étant donné l’importance d’associer les représentants des professionnels à la discussion et à la mise en œuvre dans le territoire ».
Steve Serafino