Le Grand Hôpital de l’Est Francilien (GHEF) est un établissement faisant office de GHT, et le résultat de la fusion de quatre hôpitaux : les centres hospitaliers de Coulommiers, Meaux, Marne-la-Vallée et Jouarre. Comptant 2300 lits, c’est le premier hôpital de France, hors CHU.
Qui dit fusion d’établissements, dit fusion des logiciels au niveau des achats mais aussi de nouvelles pratiques d’automatisation au niveau des pharmacies, en vue des exigences européennes de sérialisation des médicaments.
« Plus de 80% de nos achats passent par le RESAH (Réseau des Acheteurs Hospitaliers) », précise Georges Nicolaos – pharmacien chef de pôle et pharmacien gérant du Grand Hôpital de l’Est Francilien -, « nous sommes autour de 85 et 90% en montant car nous effectuons encore des achats propres. La partie est gérée avec le RESAH communique via un lien informatique grâce à l’outil Epicure Web. »
Le Docteur Thomas Liautaud – pharmacien praticien et responsable des Systèmes d’Informations de la pharmacie nous décrit le cheminement des achats du GHEF : « Pour les prises de commandes, nous utilisons le logiciel e-MAGH 2 (MiPih) depuis le 1er janvier 2019, avec lequel nous avons rapproché les bases produits de nos 4 établissements. Nous disposons d’un référentiel produit dans lequel peuvent se trouver des doublons ou des références produits à mettre à jour. On utilise aussi la plate-forme Hospitalis (Cegedim) pour mettre en place les échanges de données informatisées et faire les commandes dématérialisées. Cette plate-forme est l’intermédiaire entre l’hôpital, la pharmacie et le fournisseur pour nos transferts de commandes. »
Après la transmission à Hospitalis du bon de commande, ce portail se charge de donner à l’hôpital les correspondances entre les produits et les fournisseurs, afin que l’établissement puisse transférer ses commandes.
Le GHEF travaille aussi sur le dédoublonnage des produits. « C’est le même problème pour tous les GHT et les établissements fusionnés », poursuit Thomas Liautaud, « il faut rapprocher les bases de données des médicaments et des dispositifs médicaux. C’est un travail assez lourd à faire, mais Hospitalis se charge d’extraire notre base de données et d’analyser les incohérences entres les codes UCD, les noms de produits et les fournisseurs attachés. Une fois cette étape terminée, nous pourrons passer à la dématérialisation. »
« Avant la fusion de 2017, nous avions déjà 100% de nos commandes en EDI sur l’ensemble de nos hôpitaux », ajoute Georges Nicolaos, « la priorité a été mise sur l’offre de soins et sur la fusion de la gestion financière, afin d’avoir des données valides et consolidées. La pharmacie a été quelque peu désorganisée et les commandes ont dû être opérées par fax. Mais nous revenons à la normale avec des commandes par EDI d’ici les prochains mois, pour sécuriser les commandes et réduire le temps de livraison. »
Après la réception d’une commande, la facture doit être liquidée avant d’être envoyée à la trésorerie. Cette étape n’échappe pas au processus de digitalisation du GHEF, comme l’explique Thomas Liautaud : « Les fournisseurs déposent leurs factures sur la plate-forme Chorus.pro, qui sont ensuite intégrées sur e-MAGH 2. Avant, nous recevions les factures papiers et nos gestionnaires de pharmacie devaient rapprocher manuellement ces dernières des bons de commandes pour valider la conformité des prix. Maintenant, les rapprochements sont automatiques et la productivité n’est pas limitée par ce travail administratif. »
« Avec 27 000 commandes par an au sein de la pharmacie du GHEF, on peut dire que la mise en place de Chorus.pro est une grande réussite et que les fournisseurs ont été au rendez-vous », confirme Georges Nicolaos, « avant, les factures arrivaient à l’hôpital de Meaux et il fallait les dispatcher sur l’ensemble des sites, ce qui était une perte de temps considérable ».
Après les achats, les médicaments sont à décommissionner, afin que la sérialisation soit désactivée avant distribution au service de soins. Cette procédure consiste en un scannage du datamatrix des boites concernées, afin de justifier l’identifiant unique du produit pharmaceutique.
« Au GHEF, nous avons annuellement 11 millions de doses médicaments, ce qui équivaut à 300 000 boîtes », précise Georges Nicolaos, « en fonction de l’activité et de la taille de l’hôpital, il y a un nombre de boîtes à décommissionner. Les établissements hospitaliers étant dans l’efficience, ils ne peuvent pas engager des personnes pour scanner toutes les boîtes. Il faut donc automatiser ce décommissionnement pour ne pas interrompre le flux d’activité des hôpitaux, notamment sur les grands sites. »
Si l’automatisation est séquentielle à Meaux pour la distribution, elle est dynamique à Marne-la-Vallée, via un robot de dispensation globale des médicaments, équipé d’un convoyeur pour les transporter. Cette solution, nommée ARX et distribuée par Benton Dickinson, se compose d’un chargeur automatique – Rowa ProLog – lisant les data matrix des médicaments sur un tapis avant de les introduire dans le convoyeur. Celui-ci enregistre les informations de ces derniers (data matrix et numéro de lot) avant de les distribuer.
Quand un fournisseur de médicaments produit une boite, il envoie sur un cloud tous les numéros de série uniques mis en circulation. Quand les boites sortent du circuit pharmaceutique, le scan permet au cloud de vérifier que le numéro de série a bien été mis à disposition par le fournisseur. Si le produit a déjà été distribué, il y a contrefaçon.
« Lorsque les boites entrent dans le convoyeur », poursuit Thomas Liautaud, « les quantités sont transférées à notre logiciel de gestion qui en confirme la réception. Actuellement, on a 3/5 des médicaments dans le robot qui sont « décommissionnables », et 2/5, hors robot, « décommissionnables » manuellement, car le robot a une limite de poids et de volumétrie. On aimerait une solution identique sur la partie déchargement, indépendante du convoyeur et pouvant lire le data matrix des boîtes. Cette méthode ne nécessiterait plus de temps humain pour scanner les boîtes une par une. »
« C’est la réflexion du moment », selon Georges Nicolaos, « soit on effectue l’entrée en stock et le décommissionnement séparément, soit on les fusionne via un parfait raccord entre nos systèmes d’informations. Dans les pharmacies de ce type, il n’y a pas d’outil unique de gestion. L’automatisation nécessite des logiciels propres à chaque étape : gestion financière, gestion des stocks, gestion des robots… L’objectif est de faire travailler l’ensemble via des interfaces stables. Si on prend l’exemple du site de Jouarre où nous avons très peu de boîtes, l’automatisation est superflue. Mais pour de grands sites, dépendants des AGV (véhicules à guidage automatique), il faut une certaine cadence de production. La sérialisation doit s’harmoniser avec les délais de distribution des médicaments. »
Georges Nicolaos est revenu sur son intervention, lors du colloque organisé par l’OMEDIT Île-de-France, le RESAH et l’ARS Île-de-France – le 18 janvier 2019 – sur l’automatisation de la prise en charge médicamenteuse : « L’évolution aboutira à une grande pharmacie de GHT et des pharmacies de sites, plus petites et agiles en termes d’activité. Les tutelles demandent aux hôpitaux d’aller vers de la dispensation nominative, mais les établissements de taille moyenne et petite ne peuvent investir dans un automate de dispensation nominative. En effet, d’autres priorités internes prédominent, comme l’achat de scanners, d’appareils IRM ou encore d’armoires sécurisées pour les médicaments. »
« Si on met la gestion nominative sur l’ensemble du GHEF ou d’un GHT, il faudra centraliser l’activité avec des automates plus modernes, de production de dose unitaire et de traitement, voire un outil unique pouvant gérer l’ensemble de ces tâches. Le GHEF en est à des centaines de milliers de doses produites, sans compter les automates de l’hôpital de Meaux. Sans automatisation, on ne peut pas y arriver. Seule une vision territoriale le permettra. »
Si la dispensation nominative est indispensable pour la gériatrie, les SSR, la MPR et la psychiatrie, elle est très compliquée en MCO où la pharmacie doit faire de la dispensation matin et soir et donc, avoir un certain débit de production.
« Les activités de centralisation sont en cours sur le GHEF. Par exemple, l’ensemble des produits anticancéreux est produit sur Marne-la-Vallée, pour les sites de Marne la Vallée, Meaux et Coulommiers. Cette production s’étend aussi aux préparations plus traditionnelles. En novembre, la nutrition parentérale de Coulommiers sera transférée sur le site de Marne-la-Vallée, pour produire les mélanges destinés à la réanimation néonatale de Meaux. Celle-ci étant de niveau 3 (grossesses à risque, grands prématurés), elle nécessite des pharmacies ultra modernes et centralisées. »
La proximité et l’ultra-spécialisation sont les maîtres mots de ces évolutions, car la médecine avance très vite et la pharmacie doit s’adapter à ces nouveaux besoins. Le GHEF étant un hôpital en équilibre financier, cette autonomie permet des projets d’investissements comme la rénovation partielle de l’hôpital de Meaux. L’idée du GHEF est de conserver cette autonomie financière afin de maintenir une efficience et une haute qualité de service.
« Nous sommes aidés par nos outils informatiques », poursuit Thomas Liautaud, « mais les faire fonctionner prend du temps et nous éloigne de la partie clinique de notre métier, dont le socle est l’approvisionnement des produits et la sécurisation de leur distribution aux patients. Il ne faut pas se transformer en techniciens mais réussir à jongler avec un certain nombre de logiciels à interfacer. L’informatique est au cœur du fonctionnement de l’hôpital (lits, achats, pharmacie) et nécessite une stratégie pour faire face à ces nouveaux enjeux de la numérisation. »
Le Grand Hôpital de l’Est Francilien a notamment fait le choix des armoires informatisées Omnicell, qui permettent de stocker les médicaments et de débloquer leurs emplacements via une prise de contact avec le patient. La traçabilité de la dispensation et l’enregistrement du prélèvement garantissent une sécurité de ce circuit : « Ce sont des investissements financiers en termes de licence, maintenance et prestation… Mais qui garantissent le niveau de qualité de nos établissements. »
Sur le GHEF, la pharmacie est en délégation de gestion, comme les pôles médicaux. « La direction nous délègue une partie de la gestion du service. Cela nous permet de gérer nos investissements et, in fine, d’assumer nos décisions », conclut Georges Nicolaos, « il ne faut pas oublier d’être aux côtés des patients et de les prendre en charge comme des proches. Quand on en prend conscience, on prend les bonnes décisions ».