Cloisonnement par spécialité, référentiels communs, traitements standards… Autant de principes sur lesquels les lignes bougent en médecine. Peu à peu, le patient dans sa globalité prend place dans les parcours de soins. Pour l’anatomopathologie, cette nouvelle démarche implique une révolution technologique et la redéfinition de son rôle dans la prise en charge du patient.
Une démarche holistique
Médecine personnalisée, systémique… le patient est de plus en plus abordé dans sa globalité. La pathologie n’est plus isolée, elle est intégrée dans une approche complète du profil patient, de son patrimoine génétique, de son bagage épigénétique, de son comportement, de son environnement et de son histoire ; autant de composantes qui, à des degrés variables, sont des déterminants de son état de santé et de l’évolution de sa maladie.
Pour parvenir à un diagnostic le plus complet et le plus fiable, la médecine systémique utilise des modèles informatiques et prédictifs. Ceux-ci combinent des données cliniques et scientifiques pour déterminer l’état de santé d’une personne. Cela implique « une connexion précoce entre le clinicien et les divers acteurs de soins, notamment avec le pathologiste, note Dr Géraldine Raichon Patru, oncologue médicale au CH de Bourg en Bresse. Nous avons besoin d’examens fiables, rapides et précis pour apporter la réponse la plus pertinente possible, dans une stratégie de traitement qui se complexifie ».
On est donc loin des traitements standardisés. L’anatomie pathologique s’avère alors cruciale car elle apporte « des éclairages, tant sur le pronostic, l’agressivité de la maladie, que sur la réponse au traitement, en testant certaines molécules directement sur la tumeur », précise le Dr Henri-Philippe Morel, médecin pathologiste chez SYNLAB Technipath.
Autre implication, la médecine systémique induit une collecte massive d’informations autour du patient. Des examens plus nombreux, et plus précis, dont le professionnel ne pourra faire qu’une synthèse, sans intégrer l’ensemble des paramètres. « Pour pallier les limites du cerveau humain, les nouvelles technologies doivent prendre le relais, affirme Joris Galland, médecin interniste et expert en IA. L’intelligence artificielle intervient alors comme une prothèse cérébrale ».
Une révolution technologique est en cours
Comme la radiologie il y a 15 ans, l’anatomopathologie est à la croisée des chemins. Elle fait face à un défi technologique qui lui permettra de franchir un pas vers le partage des informations et leur traitement via l’Intelligence artificielle. Le groupe SYNLAB international réalise 500 millions d’analyses chaque année pour près de 100 millions de patients dans 36 pays.
Il a choisi de digitaliser ses 40 laboratoires d’anatomopathologie sur l’Europe et de mettre l’ensemble de ses sites européens (400 laboratoires d’analyses médicales en France notamment) en communication. « L’idée en cible, c’est de sortir l’image numérisée de sa petite boîte, précise le Dr Henri-Philippe Morel. On la partage, on l’échange, on l’analyse et on l’enrichit avec des logiciels d’aide à la quantification (pour la protéine HER 2 avec le cancer du sein par exemple) mais aussi pour détecter des anomalies ou valider nos diagnostics ».
Et les retours sont probants. Une expérience réalisée par des pathologistes démontre que l’intelligence artificielle a amélioré leurs diagnostics de cancers de la prostate dans 18 cas sur 100.
Au-delà de l’IA, c’est aussi le partage d’expertise qui ouvre de nouveaux horizons. Les lames digitales peuvent ainsi être soumises facilement à un second avis ou à un avis d’expert, ce qui augmente la sécurité et homogénéise les diagnostics.
Un nouveau rôle pour le pathologiste
La logique est poussée encore plus loin avec de nouveaux partenariats. SYNLAB Technipath s’associe à la société Imadis, spécialisée en téléradiologie. Elle propose des algorithmes, la constitution de compte-rendus et la récupération de données en vue de consultations de radiologie. La combinaison de ces services avec une brique d’anatomopathologie tend à constituer un véritable « patient virtuel », rendant possible le déploiement d’une nouvelle intelligence artificielle.
Alors quelle sera la place du pathologiste dans cette future prise en charge ? « Sa place sera considérablement renforcée, sans nul doute, estime Dr Géraldine Raichon Patru. Car il va pouvoir se concentrer sur sa relation avec le clinicien et libérer du temps médical ». « Il en sera d’autant plus humain », ajoute le Dr Joris Galland. De quoi permettre d’alimenter le diagnostic avec une meilleure recherche bibliographique et scientifique, le tout au service du patient.
Marion BOIS
Note : Retrouvez l’intégralité des échanges entre les intervenants de cet article dans le podcast « Les voix de l’innovation e-santé », sur note site.