2 févr. 2017, par Sylvain Henry
Le président du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS) et directeur du centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins explique les évolutions managériales liées aux logiques de filières et de territoires récemment mises en place dans le secteur hospitalier.
Une culture nouvelle du management semble se développer avec succès dans le secteur public. On parle d’un management en “mode agile” ou en “mode task force” qui responsabilise les cadres et donne du sens à leur action. Le constatez-vous ?
Le niveau de complexité, de contraintes et d’exigences au sein du secteur public est tel que l’un des principaux prérequis pour manager avec succès les organisations est en effet de donner du sens aux projets. Et pour donner du sens, il faut incarner concrètement le message et la vision que l’on porte. Cela passe par la responsabilisation des managers. Pour évoquer plus particulièrement le top management hospitalier, je souligne que nous avons l’habitude d’une certaine autonomie, particulièrement au niveau du management par pôles. Mais nous vivons aujourd’hui un paradoxe : il existe une forte aspiration des directeurs et de l’encadrement (qu’il soit médical, paramédical, administratif, technique ou logistique) à un fonctionnement plus autonome et plus responsabilisant, avec une prise de conscience qu’il faut rendre des comptes, mais dans le même temps, les marges de manœuvre se réduisent tout à la fois parce que l’environnement, notamment financier et réglementaire, est extrêmement exigeant et parce que l’État, au niveau central comme au niveau des agences régionales de santé, est plus présent. Reconstituer des espaces d’autonomie dans une logique de subsidiarité nous apparaît indispensable.
Le management transverse se vérifie-t-il plus particulièrement sur le plan local ? Dans les territoires, un patron d’hôpital travaille-t-il par exemple davantage, aujourd’hui, avec les élus locaux et les acteurs privés ?
Très clairement ! Nous sommes passés d’un management d’établissement à un management multi-sites et de territoires. Cela s’explique par le fort mouvement de concentration qui s’est amorcé en 2009, se traduisant par des directions communes à plusieurs établissements d’hôpitaux publics et d’établissements médicosociaux. Nous estimons ainsi que depuis sept ans, la moitié des directions ont disparu au profit de directions communes. Les logiques de filières se mettent en place, associant tous les acteurs de la santé, notamment la médecine de ville. Cette logique de management territorial et transverse implique de forts changements en matière de gestion de portefeuilles de projets. Attention toutefois : la récente réforme des groupements hospitaliers de territoire nous incite avant toute chose à travailler entre établissements publics. Et c’est l’un de nos principaux soucis : nous mettons en œuvre une réforme d’envergure tous les trois ou quatre ans nous demandant de travailler avec des partenaires différents, alors que nous souhaitons œuvrer avec l’ensemble des acteurs pour créer dans les territoires des filières de prise en charge les plus efficaces possibles. Nous demandons donc la limitation de la succession et de la juxtaposition des réformes.
L’accompagnement et la formation des managers sont-ils décisifs dans la mise en œuvre des réformes ? Les directeurs, les cadres et tous les professionnels de l’hôpital sont confrontés à des changements financiers, technologiques et réglementaires importants et rapides. Certes, les managers ont l’habitude de ces changements. Mais la formation est essentielle : un management efficace suppose un accompagnement à la hauteur. En matière de santé publique, la gestion d’un portefeuille de projets ne peut pas être la même à l’échelle d’un établissement et à l’échelle plus large d’un territoire. L’autre axe de travail concerne la professionnalisation du management médical. On demande aujourd’hui à des professionnels reconnus dans le champ médical ou chirurgical de s’investir dans des logiques de management sans qu’il leur soit systématiquement proposé des formations, auxquelles ils aspirent. Un effort important doit être fait pour professionnaliser cette fonction de management médical dans tous les établissements.
Quelles sont les similitudes et les différences entre les missions managériales au sein des trois versants de la fonction publique ?
Peut-être certaines similitudes sont-elles plus marquées entre fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière. Mais nous avons un point de convergence évident en manière de management au sein des trois versants, qui tient au management de la complexité. Les exigences se juxtaposent à un tel niveau que nous en sommes quasiment à un point de sédimentation. En matière de spécificités, le management hospitalier a une caractéristique propre qui tient à la composante médicale. Nous ne sommes pas dans un management hiérarchique entre communauté médicale et direction d’établissement : nous sommes dans une logique de management par la conviction, par l’incitation et par l’accompagnement pour porter ensemble les projets.
Ce management par la conviction peut-il se généraliser ?
C’est un challenge de tous les jours, mais nous avons effectivement la conviction que c’est le bon moyen de faire avancer les sujets avec des professionnels souvent de très haut niveau, qu’ils soient cadres de santé, ingénieurs ou médecins. Le management par la conviction, incarné et transverse, permet de rendre l’action publique plus efficace.
Source : https://www.acteurspublics.com/2017/02/02/jeremie-secher-le-management-par-la-conviction- est-le-plus-efficace