AURAGEN : plateforme de séquençage du génome à très haut débit

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Damien SANLAVILLE, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, Chef du Service de Génétique

La génomique, souvent comparée à la révolution de la radiographie ou de l’IRM, constitue l’innovation médicale majeure de ces dernières années. En décembre 2016, le Plan France Médecine Génomique 2025 lance un appel d’offre national amorçant le financement de deux plateformes génomiques. Parmi les différents projets pilotes sélectionnés, le programme Auragen permet aux patients atteints de cancers ou de maladies rares de bénéficier du séquençage à haut débit.

 

LA MÉDECINE GÉNOMIQUE POUR VENIR EN AIDE AUX MALADES

 

Science récente, discipline de la biologie moderne, la génomique étudie le génome d’un individu ou d’une tumeur. Cette analyse permet d’en apprendre plus sur le fonctionnement d’un organisme, d’un organe sans se limiter à l’échelle d’un seul gène mais plutôt à l’ensemble de l’information génétique. Pour structurer cette avancée médicale, le ministère chargé de la santé a désigné des plateformes « pilotes » au niveau du territoire. Le GCS Auragen (Auvergne Rhône-Alpes Génomique) est l’une d’entre elles depuis 2017. Ce regroupement est composé de quatre CHU, de deux centres de Lutte Contre le Cancer, de l’Institut de Cancérologie de la Loire mais également de cinq universités et écoles. Le but de ces institutions est de pouvoir adapter les traitements en fonction du patient, de sa maladie avec pour objectif d’anticiper ses réactions aux médicaments proposés et administrés.

Pour Jean-Yves Blay, directeur scientifique d’Auragen, « un des objectifs futurs du projet est de rassembler ces génomes séquencés afin de mieux comprendre la génétique de la population française et ses maladies. » Et pour cela, il faut des outils de recherches perfectionnés. Selon Emmanuel Canes, Directeur de Développement Santé chez Dell Technologies, « Auragen n’a pas le monopole du génome en France mais elle œuvre pour l’industrialisation et la convergence des outils et plateformes au niveau national ».

 

LA HAUTE TECHNOLOGIE AU SERVICE DES DONNÉES

 

Afin de gérer le nombre important de données séquencées, Auragen s’est doté de cluster de calculs. « Nous avons besoin de ces super calculateurs qui permettent de traiter l’information dans des délais convenables, car, à terme, on nous demande de traiter 18 000 génomes par an », explique Damien Sanlaville, directeur médical LBMMS (Laboratoire de Biologie Médicale Multi-Sites). Viennent ensuite les questions relatives à la sécurité et à la conservation des données. Pour cela, biologistes, généticiens et bio-informaticiens ont collaboré pour mettre en place des technologies Dell EMC qui s’appuient sur l’intelligence artificielle et qui permettent de répondre aux forts besoins de stockage. Trois prestataires co-contractants ont été retenus pour le projet : Atos pour l’intégration, Eolas pour l’hébergement des données de santé, et A2COM pour l’infogérance du système. Ces nouvelles normes mises en place par le projet Auragen mèneront à l’amélioration de la médecine personnalisée, qui pour Emmanuel Canes, est « un enjeu digital et informatique pour le développement de l’intelligence artificielle. »

 

DES PREMIERS RÉSULTATS ENCOURAGEANTS

 

Désormais, en quelques semaines seulement, il est possible de sortir des séquences de l’ensemble du génome d’un individu contre plusieurs années de travail au début des années
2000. Une accélération due à l’optimisation des outils technologiques d’après Damien Sanlaville. « Nous avons automatisé l’extraction des ADN ainsi que les préparations et nous avons utilisé des clusters de calculs puissants. » Pour lui, les premiers résultats tombent enfin et constituent une avancée majeure. « Nous avons pu identifier des variants pathogènes, des mutations, pour des patients atteints de maladies rares qui n’avaient pas été détectées auparavant. » Du côté des cancers, Jean-Yves Blay se félicite des résultats sur les groupes de maladies. « Cette compréhension des groupes peut déboucher sur l’historique génétique de la tumeur et inclut ainsi le patient dans une démarche de caractérisation familiale. »

Toutefois, ce portrait moléculaire perfectionné ne peut être proposé à tous les patients. Entre 30 et 40 000 cancers pourraient être des indications éventuelles de cet outil face à 20 000 candidats potentiels pour les maladies rares. La sélection est d’autant plus affinée que la Haute Autorité de Santé a identifié les pré-indications pouvant bénéficier ou non du séquençage à haut débit. En tout, ce sont 59 maladies rares (néphropathie, cardiomyopathie etc.) et des dizaines de cancers tout aussi rares qui ont échappé aux thérapies standards.

Célia Oprandi

 

INTERVIEW D’EMMANUEL CANES

Emmanuel Canes, Directeur de Développement Santé Europe du Sud, Dell Technologies, partenaire du projet Auragen, plateforme de séquençage génomique.

 

Auragen est plus qu’une première plateforme dans un dispositif national. Il s’agit d’une équipe et de technologies qui œuvrent au quotidien à la généralisation du séquençage du génome afin de l’intégrer à tous les processus de soins, en premier lieu contre le cancer bien sûr mais plus tard pour toutes les pathologies.

Cette médecine de précision, ou personnalisée, a besoin de sortir des labos de recherche pour être démocratisée auprès de tous les acteurs sanitaires, d’aller au plus près des patients dans leurs centres hospitaliers locaux ou plus simplement dans leurs laboratoires d’analyses médicales.

Pour arriver à ce résultat, il faut beaucoup de recherche, beaucoup de cas, beaucoup de données, et des technologies toujours plus performantes. Mais nous touchons du bout des doigts cet objectif. Nous parlons de jours, là où nous parlions de mois ou d’années. Nous arrivons à des délais compatibles avec une médecine de routine. La performance doit être accompagnée par la simplicité, car il ne serait pas possible de recruter des milliers de bio-informaticiens pour industrialiser en routine ces techniques. Auragen contribue à définir les normes et références de ce futur proche.

 

EN QUOI CONSISTE LE PROJET AURAGEN ?

 

Emmanuel Canes : C’est une plateforme de France Médecine Génomique et l’enjeu est d’aider au développement de la recherche et aider les bio informaticiens qui travaillent sur le séquençage génomique afin de créer une base de données pour alimenter la recherche et le soin. Le chef de projet veut définir une plateforme par région afin de basculer d’un mode de recherche à un mode de production. Le séquençage très coûteux et lourd à un séquençage en routine peut amener aux territoires des capacités de stockage, de calculs et de traitement pour pouvoir mieux gérer ces données. Si seulement deux plateformes ont été mises en place sur les douze prévues, c’est afin d’instaurer une méthode commune pour pouvoir comparer les données entre elles. Ces fameuses méthodes de calcul sont appelées les « pipelines ». Nous cherchons donc, grâce à ces plateformes, à industrialiser et normer les outils utilisés au niveau national. Ces données régionales seront stockées au Centre d’analyses et de collecte de données. Quant aux recherches menées pour trouver quelles normes mettre en place, ce sera le rôle du CRefIX.

 

PEUT-ON PARLER DE MARCHÉ DU GÉNOME ?

 

Emmanuel Canes : Aujourd’hui, on séquence du génome dans le domaine de la recherche médicale, notamment pour le développement de nouvelles molécules. Le marché se trouve donc dans la recherche pharmaceutique car ce que veulent les chercheurs, c’est pouvoir accéder à une base de données la plus large possible. Il y a également un marché pour les industriels tels que Dell et ses partenaires, comme Atos, car la performance a été développée grâce au matériel informatique proposé. Tout est lié, c’est parce que nous avons une capacité de calcul qui a été augmentée, de même pour nos capacités de stockage, c’est grâce à cela que nous avons pu envisager de manipuler de plus gros volumes de données. Maintenant nous ne séquençons plus un génome en un an, un mois ou une semaine, nous faisons cela en quelques heures. C’est grâce à ces capacités importantes de stockage que le génome représente un marché intéressant pour les industriels.

 

QUELLES SONT LES PERSPECTIVES D’AVENIR AVEC CE PROJET ? (MÉDECINE PERSONNALISÉE, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE)

 

Emmanuel Canes : La médecine personnalisée ne se base pas que sur le séquençage génomique, c’est l’exploitation de données qui proviennent de plusieurs sources. C’est un enjeu informatique et digital car entre un bio informaticien qui vient prélever des données, entre un radiologue qui va lire des images et un médecin qui va étudier un dossier patient, on est sur des compétences très diverses. Ce qui va permettre de tisser des liens entre ces différents métiers, c’est l’intelligence artificielle. Le séquençage du génome est stratégique dans le cadre de cette approche car il permet d’alimenter une intelligence artificielle capable d’accélérer le diagnostic et la préconisation de traitements pour les patients. Actuellement, nous n’avons que des « bouts » d’intelligence artificielle. Par exemple, elle peut aider un radiologue à lire une image mais ne va pas la lire pour lui. C’est cela que nous voulons développer.

 

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