De la numérisation des images à DRIM France IA : une radiologie soignante !

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Voir à l’intérieur du corps humain est déjà une prouesse médicale et technologique avec des découvertes qui ont été saluées par plusieurs prix Nobel. A côté de ces innovations permettant le développement de plusieurs appareils d’imagerie médicale, la numérisation de l’image médicale et plus largement l’informatique permettent d’autres innovations qui permettent des applications nouvelles. Parmi celles-ci, le traitement quantitatif des images, l’analyse de biomarqueurs, la robotisation, l’impression 3D, la rapidité et reproductibilité des acquisitions sont des développements en cours. Ces dernières années, l’image est devenue « données médicales » ! S’appuyant sur des normes comme celle du DICOM, des bases de données se sont constituées au travers de PACS. La synergie de ces bases avec le développement des systèmes d’analyse dit d’intelligence artificielle (IA) et les besoins médicaux ou sociétaux (indicateurs, biomarqueurs, …) conduisent à la bulle actuelle sur le développement de l’IA en radiologie.

Les besoins

A chaque utilisateur se définissent des besoins. La médecine souhaite découvrir de nouveaux biomarqueurs pour l’étude de pathologie rares ou des besoins épidémiologiques, la patient pour sa sécurité et la qualité des prises en charge médicale, les industriels pour le développement d’outils améliorant leurs profits et leurs ventes, la société actuelle des fins de garantie de maitrise des politiques de santé et de couverture égalitaire des soins.

Les radiologues ont des besoins pour limiter les tâches répétitives et à valeur ajoutée/temps passé peu élevée (recherche systématique de lésion ou biomarqueur à faible prévalence, examen systématique, triage, …). Devant le développement des indications de la radiologie, le développement exponentiel du nombre d’images générées par examen scanographique par exemple, la stagnation voire réduction des radiologues (8100 actuellement), un changement du métier s’opère avec concentration du savoir du radiologue sur des taches à haute valeur ajoutée comme l’information du patient, l’analyse d’examens complexe, les réunions communes pluridisciplinaires, la radiologie interventionnelle.

Les logiciels devront offrir un triage des examens (celui dont la demande apparaît la plus urgente, l’examen où des anomalies graves seraient détectés par exemple) pour alerter le radiologue sur la présence ou non de certaines anomalies. Il s’agit de logiciels d’aide à l’analyse et interprétation

Le patient souhaite une optimisation de la pertinence de l’acte demandé, une optimisation de la technique d’examen avec une dose de rayonnements la plus faible possible, une durée courte, une sensibilité augmentée, une reproductibilité satisfaisante et une relation humaine avant et après l’examen afin de comprendre son examen et la conduite à tenir vis-à-vis des résultats. Il souhaite également pouvoir disposer de ses examens radiologiques avec notamment un passeport reprenant les doses de rayonnements reçus, les produits de contraste injectés, les comptes rendus, …

Le radiologue souhaite un travail optimisé que ce soit dans les 4 phases socles de son métier de radiologues (pertinence, protocolisation, interprétation, suivi du résultat) compte tenu du nombre croissant d’examens, d’images produites par examens et de la complexité des biomarqueurs à étudier (des algorithmes se développent pour indiquer le bon examen à proposer au patient par le demandeur en fonction de la clinique, des antécédents, de son âge/sexe, de la disponibilité des examens et compétences médicale ; des algorithmes sont disponibles pour réduire les doses de rayonnements en scanner, pour réduire le temps d’acquisition en IRM, pour réaliser une première analyse des images sur des recherches spécialisées, …).

Les radiologues ont besoin des bases de données communes afin d’offrir une radiologie personnalisée comparative (des algorithmes permettent d’offrir des comparaisons de l’examen en cours avec les bases de données d’examens identique pour par exemple indiquer le risque de lésion maligne pulmonaire et indiquer une biopsie). La possibilité de centralisation des données permettra également une radiologie épidémiologique et de santé publique

L’industriel souhaite pouvoir accéder à des bases multicentriques labellisées anonymisées afin de mettre au point des solutions dites d’IA qui sont très gourmandes en données afin d’être optimisées. Les industriels sont intéressés pour un enrichissement des données images pour développer ces algorithmes, pour un suivi dans le temps des algorithmes et pour une mise en ligne sur des serveurs reconnus comme hébergeur de données de santé.

La société française souhaite une politique de qualité et de sécurisation tant dans l’offre radiologique et sa répartition sur le territoire, que dans la performance de l’offre sur un plan de reproductibilité, de réponse à la demande, de prise en charge patient, de gestion des risques pour le patient et les travailleurs. L’homogénéisation des pratiques permet une garantie d’accéder à un niveau d’excellence.

La société veille sur les innovations comme la radiologie prédictive et préventive à des fins épidémiologiques, de santé publique et des implications éthiques. La société veille sur les coûts de santé et leur bonne utilisation. Les algorithmes permettront d’aider aux choix stratégiques afin d’optimiser les prises en charge dans des parcours identifiés, notamment pour les pathologies chroniques.

Les solutions informatiques dites d’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle existe depuis plusieurs années sur un plan informatique (surtout dans la recherche de biomarqueurs en radiologie pour l’imagerie prédictive). De nombreuses publications ont utilisé des solutions informatiques à base de technique dites d’IA. Les techniques de machine learning et deep learning se sont perfectionnés et la vitesse de traitement des données, surtout après entrainement donnent des résultats intéressants. Des algorithmes se développent soit pour optimiser les parcours, les processus de réalisation d’examens radiologiques soit à visée médico-économique soit pour des applications médicale. Le biais principal des outils à destinée médicale est qu’il réponde souvent à une seule question comme la détection de nodule pulmonaire ou l’existence de lésions cérébrales en scanner.

Parfois, la solution peut analyser la présence ou non de plusieurs pathologies. Ces solutions logicielles restent cependant limitées à l’analyse des images et non pas de capacité de synthèse ou de réflexion médicale quant au contexte. Les résultats varient en fonction des centres et l’influence de la qualité des données d’entrée (pour l’entrainement, la validation, l’utilisation) est cruciale. Ces solutions peuvent être déployées en cloud ou sur site mais génèrent beaucoup d’énergie (et induisent un réchauffement lié aux GPU utilisés) pour le fonctionnement des processeurs informatiques qui calculent les algorithmes avec les données d’entrée. Enfin le modèle économique n’est pas encore établi et variera surement en fonction de l’usage.

Les données et base de données

La radiologie française avec ses 100 millions d’examens produits par an et ses PACS opérationnels depuis 10 ans, aux normes DICOM, possède des bases de données conséquentes mais dispersées. A côté des données images, les RIS et maintenant les DACS possèdent de nombreuses informations dites ancillaires par rapport à l’image mais qui concentre des données sur l’indication, le résultat, le compte rendu, la dose, l’état civil, … L’ensemble de ces données peut être considéré comme des métadonnées qu’il convient d’analyser parfois ensemble voire avec des données d’anatomie pathologique, de biologie, de suivi … La radiologie travaille pour regrouper ces informations dans un dossier radiologique structuré.

DRIM France IA (Data Radiologie et Imagerie Médicale France Intelligence Artificielle) est une structure associative, créée en octobre 2018 suite à la volonté des 4 composantes de la radiologie française (Société Française de Radiologie, Collège des Enseignants, Syndicats publics et privés) pour aider au développement des usages des données radiologiques que ce soit pour le patient, le radiologue ou la société en général. DRIM France IA représente tous les radiologues publics et privés vis-à-vis des pouvoirs publics et des industriels pour pouvoir développer un dossier radiologique au même titre que les pharmaciens ont pu le faire.

Ce dossier radiologie pourra être connecté avec la plateforme des données de santé du HDH (Health Data Hub) pour des applications recherche et développement et avec l’espace numérique en santé (ENS) pour des applications à destination des patients. DRIM France IA, représentant les 8100 radiologues, garantie l’usage des données, des besoins, tout en aidant au développement des solutions nécessaires à l’évolution de nos métiers. Un comité éthique ainsi qu’un comité scientifique veillent pour garantir aux patients la bonne utilisation de leurs données par les radiologues ou d’autres professionnels. Enfin DRIM France IA travaille sur l’enrichissement (ou labellisation) des données en proposant des harmonisations des données pour rendre les données brutes de radiologie utilisable par les applications. Ce travail est pour l’instant fastidieux pour le radiologue de terrain et n’est réalisé qu’au cas par cas.

Conclusion

La radiologie innove depuis plus de 100 ans. Avec l’arrivée de l’informatique, de la transformation des images en données, des progrès des mathématiques et statistiques, la radiologie poursuit son évolution avec de nouvelles applications liées à la découverte de nouveaux biomarqueurs, l’analyse des dossiers patients en comparaison avec des bases de données, la radiologie préventive et prédictive. L’innovation est physique, numérique, mathématique et organisationnelle. Ces développements doivent renforcer les relations entre les radiologues et les patients en leur offrant davantage de temps pour expliquer et adapter les examens et conduite à tenir afin de produire une radiologie de précision et une radiologie personnalisée. Sécurité et qualité seront renforcées pour un exercice soignant de la radiologie.

Jean-Paul Beregi

Rédacteur : Prof Jean-Paul Beregi, Radiologie et Imagerie Médicale, CHU Caremeau, jean.paul.beregi@chu-nimes.fr;

Références :

  1. Beregi JP, Zins M, Masson JP, Cart P, Bartoli JM, Silberman B, Boudghene F, Meder JF pour le Conseil national professionnel de la radiologie et imagerie médicale. Radiology and artificial intelligence: An opportunity for our specialty. Diagn Interv Imaging. 2018 Nov;99(11):677-678. doi: 10.1016/j.diii.2018.11.002.
  2. SFR-IA Group; CERF; French Radiology Community. Artificial intelligence and medical imaging 2018: French Radiology Community white paper. Diagn Interv Imaging. 2018 Nov;99(11):727-742. doi: 10.1016/j.diii.2018.10.003.

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