Organisation et mutualisation des transports au CH Alpes Isère
La logistique est au coeur du fonctionnement d’hôpital, d’autant plus lorsque celui-ci est composé de structures de soins distantes géographiquement et réparties sur tout un département, comme c’est le cas en santé mentale.
Dès 2019, le Centre Hospitalier Alpes Isère (CHAI) a engagé un vaste chantier d’optimisation de l’ensemble de ses flux logistiques, « transports patients » ainsi que « transports de biens et matières ». Après une étude de l’existant très poussée, qui a permis de relever tous les acteurs intervenant dans les transports et de les décloisonner, il a été préconisé des optimisations et un nouvel organigramme cible, préalable à l’informatisation (prévue en 2021), avec pour ligne de mire, une régulation centralisée pour tous les flux.
LE CH ALPES-ISÈRE, L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC EN SANTÉ MENTALE DE L’ISÈRE, ET SES FLUX LOGISTIQUES
Le CH Alpes Isère (CHAI), établissement public en santé mentale de l’Isère, est constitué d’un site central de 21 ha situé à Saint-Egrève, et de 85 unités de soins en extra-hospitalier réparties dans tout le département de l’Isère (annexe 1).
Annexe 1 : Site intra hospitalier
Le CHAI a fait le choix de regrouper dans un même pôle, le Pôle Ingénierie-Logistique-Sécurité (PILS), et sous la même direction, les ingénieries, la logistique, la pharmacie et la sécurité. La plupart de ces services sont regroupés dans un seul et même bâtiment reconstruit à neuf : le plateforme logistique (voir photo), situé dans la partie Sud du site.
« L’organisation multi-sites du CHAI, dont certains sont à deux heures de route et dans la montagne, engendre des flux aussi bien de patients, lorsqu’ils doivent être mutés en unités de soins ou se rendre en consultation ou en activité à l’extérieur, que des flux de biens et de matières pour faire fonctionner ces unités de soins (médicaments, repas, linge, petit matériel de soin, goûter, dossiers médicaux, courriers, produits hôteliers…). Ces flux logistiques sont gérés depuis la plateforme centrale et réalisés par les services logistiques du PILS » explique Hélène Sol, directrice du PILS.
La plateforme logistique irrigue donc en flux logistiques l’ensemble de l’établissement, en intra-hospitalier comme en extra-hospitalier, selon des tournées logistiques dont la plupart sont planifiées, mais avec un mode « débordement » pour gérer les flux prioritaires, par la création d’une fonction « course » réalisée par les agents logistiques, à tour de rôle. « Pour les transports de patients, différents services sont impliqués dans la demande, le suivi et la réalisation du transport : les unités de soins, le bureau des entrées, l’accueil/standard de l’hôpital, le SAGI (service d’accueil et de garde infirmiers, transversal, ouvert 24h sur 24), et le service logistique transport de personnes.
Tandis que pour le transport de marchandises, interviennent les services suivants : la pharmacie centrale, le magasin/entrepôt, les référents hôteliers, le garage, la lingerie relais, la cuisine, et bien sûr le service logistique transport de biens » poursuit Hélène Sol. Voir schéma « Les tournées logistiques au CHAI » en annexe 2.
Annex 2 : sites extra-hospitaliers
RÉORGANISER AVANT DE DIGITALISER
Le fonctionnement existant du transport de patient fait intervenir un grand nombre d’interlocuteurs, ce qui crée une confusion entre transports sanitaires, transfert ou soins à l’extérieur, et transports spécifiques à la psychiatrie pour réaliser des activités thérapeutiques. Le manque de clarté dans la formulation de la demande par les soins, ainsi qu’une régulation complexe dans laquelle interviennent le bureau des entrées, le standard accueil, le service infirmier transversal et le service transport, sont cause d’une perte d’un gaspillage de ressources pour l’établissement.
« Aujourd’hui, l’information est peu partagée et se dilue entre services. Le service transport se rend en unité de soins sans que le demande ne soit correctement calibrée (faut-il ou pas un soignant ? Quelle assistance fournir au patient ?), ou même parfois sans raison, car le besoin de transport n’est plus nécessaire (patient muté, consultation reprogrammée, état de santé incompatible…) », explique Hélène Sol, « Les demandes de transports se font un peu « à l’ancienne », par des formulaires papiers et fax, par des échanges téléphoniques informels, en faisant intervenir plusieurs métiers différents. »
En 2019, le CHAI, considérant que des marges de progression existaient sur la fonction transports, a choisi d’engager une mise à plat des fonctionnements et une étude d’opportunité sur la mutualisation de la fonction transport au sens large, avec régulation centralisée. Hélène Sol et son équipe ont donc défini une mission de « réorganisation de la fonction transport » sur le périmètre des transports de biens et des transports de personnes, déclinée en trois phases :
1/ Phase 1 : étude de l’existant : mise à plat des différentes organisations, informations échangées, circuits, missions et acteurs participant aux transports.
2/ Phase 2 : préconisations des optimisations et proposition d’une nouvelle organisation cible, organisation qui sera décloisonnée et polyvalente, préalable à l’informatisation de la fonction transport du CHAI.
3/ Phase 3 : accompagnement au changement et à la gestion de la transition pour la mise en place de la nouvelle organisation. Après une mise en concurrence de différents spécialistes en gestion des flux, un bureau d’étude compétent en mobilité a été choisi « en raison de son expertise dans les flux de matières et de personnes », explique H. Sol. Les phases 1 et 2 ont été réalisées en 2019.
ÉTUDE DE L’EXISTANT ET PRÉCONISATIONS
La mise à plat des transports a été réalisée sur la totalité des flux hospitaliers, le tout décrit dans un document de 121 pages « Le bureau d’étude a réalisé un examen de l’existant et les préconisations d’une organisation cible, en rencontrant et en tenant compte de l’avis de tous les différents intervenants, logisticiens comme soignants ainsi qu’administratifs ». La complexité de l’organisation des transports est, selon Hélène Sol, due « au très grand nombre d’intervenants, des informations réparties sur différents supports oraux et écrits non partagés, un délitement de l’information utile, des demandes qui ne sont pas toujours formalisées, regroupées et tracées ».
La mise à plat de l’existant a permis de préconiser des optimisations et de réfléchir à une organisation cible. Il a été déduit que l’organisation pourra être largement optimisée via une régulation centrale, préalable à l’informatisation. La mise à plat des flux a fait effectivement ressortir qu’une mutualisation de l’ensemble serait judicieuse. « Cela consiste à faire collaborer plusieurs métiers dans l’idée de regrouper des transports. »
Pour ce faire, le CHAI a décidé d’oeuvrer au travers de deux axes :
Axe 1 : l’organisation des services à travers un nouvel organigramme => un service logistique plus lisible et décloisonné.
Axe 2 : la mise en place d’un logiciel de gestion des transports mutualisés pour en améliorer la qualité.
CAP SUR L’INFORMATISATION
Ainsi, l’informatisation est en marche au CHAI. « Nous allons supprimer les circuits d’informations informels et non structurés et passer à des formulaires web, avec des saisies de champs personnalisés, des rappels automatiques, des optimisations et des regroupements de flux », annonce Hélène Sol, « Les unités de soins seront mieux coordonnées avec les transports de tout type, elles disposeront de la vision de la prise en charge, et de son suivi. Les soignants pourront gérer au mieux la préparation des patients et les heures de leurs déplacements. En disposant de toutes les informations, la régulation centrale jouera le rôle de chef pour orchestrer l’ensemble des flux, optimiser les parcours et gérer les situations imprévues de manière éclairée et agile. »
Le futur logiciel de transport devra permettre de centraliser les demandes de transport de personnes et de marchandises, de tracer tous les étages du transport, d’interfacer la gestion de stock, et de géolocaliser les véhicules.
Le CHAI est l’un des rares établissements, avec le CHU de Montpellier, à avoir décidé de mutualiser ces flux de transports patients et biens/matières. « La transversalité est la base d’une meilleure fluidité et d’une amélioration de la qualité de service », poursuit Hélène Sol, « avec ainsi des actes en corrélation avec les paroles, à savoir notre pôle support réellement tourné vers le service aux utilisateurs et le recentrage sur le coeur de métier des soignants. »
Annexe 2 : Sites extra-hospitaliers
Quant à l’implication de ses équipes, elle relève « L’importance d’un management participatif qui est à privilégier pour un travail serein et intégré. Tous les collaborateurs ont été écoutés, pour identifier leurs motivations, moteur pour réaliser leur métier. Leurs avis ont été intégrés, et les décisions partagées avec eux pour une mobilisation optimale dans leur travail, car chacun est un rouage indispensable au bon fonctionnement de l’ensemble. En être conscient, mais mieux encore, le constater au quotidien est une clé de valorisation pour chacun et un facteur de sens pour notre établissement. »
AUTRES INNOVATIONS LOGISTIQUES
Deux autres innovations logistiques ont été récemment mises en oeuvre au CHAI :
A. La généralisation des flux logistique à l’extra-hospitalier
« Auparavant, le transport de biens (linge, dossiers patients, médicaments) – vers et depuis l’extra-hospitalier – était réalisé, comme dans la plupart des établissements en santé mentale, par les cadres de santé et les équipes soignantes, lorsqu’ils se déplaçaient pour des réunions en intra-hospitalier. », se rappelle Hélène Sol. « De même plusieurs aller-retours étaient parfois effectués – par différents services du PILS – vers les sites à des dates proches. Nous avons réfléchi à un moyen de rationaliser ce processus. ». Sous l’impulsion de la direction du PILS, l’éventail des services logistiques a été élargi en démarrant une complète de gestion des flux sur les 85 structures extra-hospitalières. Le service des transports logistiques intègre dorénavant dans ses tournées l’ensemble des biens et matières transportés auparavant par les soignants. Après un test durant 6 mois sur 5 sites pilotes géographiquement éloignés, la généralisation est intervenue le 18 juin 2019, en mode « big bang ». « Ces nouveaux services logistiques pour l’extra-hospitalier ont été présentés aux cadres de santé en juin 2019, avec REX et témoignage des cadres de santé des sites pilotes. L’assemblée a plébiscité ces nouveaux services et a demandé une généralisation immédiate » explique H. Sol « Les soignants apprécient d’être recentrés sur leur coeur de métier, c’est un des rôles du PILS qui se positionne en mode service aux utilisateurs ». Le débordement et les demandes « hors tournées planifiées » sont satisfaites par le rôle de coursier logistique.
B. La création de magasins déportés, « sous magasins » du magasin central, dans chaque unité de soins.
Le CH Alpes-Isère a été entièrement reconstruit, durant les sept dernières années. L’ouverture de bâtiments neufs pour les soins a été l’occasion d’optimiser la fonction logistique, en « créant des zones logistiques et techniques à l’arrière des bâtiments, comportant des magasins logistiques déportés, sécurisés par lecteurs de badges. Ces magasins logistiques sont des « sous-magasins » du magasin central et comportent des sous-stocks sur étagères – codés barrés -, des produits hôteliers et pharmaceutiques nécessaires au fonctionnement des unités de soins. Ils sont gérés informatiquement par notre outil de gestion de stock, et directement par des référents hôteliers, dépendant du secteur logistique » détaille Hélène Sol. Ces référents hôteliers réalisent – à périodicité régulière – dans ces magasins déportés, les relevés de consommations par douchette informatisée, le magasin central prépare ensuite les rolls personnalisés pour chaque unité, et les services logistiques transportent et réapprovisionnent les rayons des magasins déportés. Les magasins déportés sécurisés reçoivent également les chariots et caisses de pharmacie dont les tournées ont été augmentées à 4 par jour. Un système de plein vide classique de pharmacie a été également mis en place au sein des unités de soins et est gérs de la même manière par les préparateurs en pharmacie. « Ainsi, l’établissement a choisi de décharger les soignants des commandes et des gestions de stock pour les recentrer sur leur coeur de métier, en répondant aux besoins des services. Ce fonctionnement a été mis en place à chaque ouverture de bâtiment neuf. Il est très apprécié des soignants. Le « coulage » n’existe plus et la consommation des services a été diminuée par 3. » explique Hélène Sol.
Des visites sont régulièrement organisées au CHAI à la demande d’autres EPSM pour s’inspirer de ses fonctionnements.
Isaac Tarek